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Le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a récemment appelé la population à consentir des « sacrifices » pour redresser le pays en deux à trois ans, dans un contexte économique marqué par un déficit budgétaire de 14 % du PIB et une dette publique estimée à 132 % du PIB en 2024. Pourtant, derrière ce discours d’austérité et de rigueur, se dessine une réalité bien moins reluisante : les promesses de « rupture » brandies pendant la campagne électorale se transforment en continuité des pratiques clientélistes et en instrumentalisation de la justice, loin des réformes structurelles attendues.
Portés au pouvoir en mars 2024 sur un programme de justice sociale et de moralisation de la vie publique, Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko avaient suscité un immense espoir. Leur victoire était perçue comme une opportunité historique de rompre avec les dérives du régime précédent, accusé de corruption, de mauvaise gestion et d’opacité. Pourtant, près d’un an et demi plus tard, le bilan est sans appel : les promesses de campagne peinent à se concrétiser, et les mesures annoncées ressemblent étrangement à celles qu’ils dénonçaient hier.
Dès leur arrivée au pouvoir, les nouveaux dirigeants ont accusé l’ancien régime d’avoir dissimulé la réalité des finances publiques. Pourtant, les solutions proposées taxes sur les produits de consommation, transferts d’argent, tabac et alcool pèsent disproportionnellement sur les ménages les plus modestes, sans s’attaquer aux racines du mal : une fiscalité injuste, une corruption endémique et un train de vie de l’État toujours trop élevé. Pire, les économies réalisées (réduction des séminaires, achats de voitures) sont dérisoires face à l’ampleur des défis. Comme le souligne un rapport de la Cour des comptes, la dette publique a été sous-évaluée, mais le gouvernement actuel semble plus occupé à régler des comptes qu’à proposer une vision claire pour l’avenir.
Les réformes structurelles promises (fiscalité juste, redistribution des richesses, création d’emplois) tardent à venir. Le Document de Programmation Budgétaire et Économique Pluriannuel (DPBEP) 2025-2027 révèle même une aggravation des dépenses liées à la dette, avec des intérêts et commissions portés à plus de 800 milliards de FCFA en 2025 une hausse de 230 milliards par rapport à 2024. Où est la rupture annoncée ?
Les tensions au sein du gouvernement, évoquées par Sonko lui-même (« certains alliés tentent de manipuler et d’isoler le président Faye »), trahissent des luttes de pouvoir internes. Plutôt que de servir l’intérêt général, ces rivalités affaiblissent la crédibilité de l’exécutif et rappellent les pratiques des régimes précédents.
Les poursuites contre les anciens ministres de Macky Sall, bien que justifiées par des manquements graves, sont perçues par beaucoup comme une chasse aux sorcières. Plusieurs observateurs soulignent que ces procédures, souvent médiatisées, visent davantage à discréditer l’opposition qu’à rétablir la justice. L’abrogation de la loi d’amnistie votée en mars 2024 et les enquêtes sur les fonds Covid-19, bien que nécessaires, alimentent les soupçons d’une justice à deux vitesses.
Les mesures d’austérité annoncées (baisse des salaires des ministres, réduction des dépenses) interviennent dans un climat social déjà explosif. Comme en Grèce ou en Argentine, l’austérité sans croissance risque de plonger le pays dans une spirale récessive, aggravant la précarité des plus vulnérables. Le Sénégal, qui devait sortir de la liste des pays les moins avancés en 2029, voit aujourd’hui ses perspectives s’assombrir.
Le Rwanda, souvent cité en exemple, a su réduire les gaspillages de l’administration tout en maintenant une croissance soutenue, grâce à une discipline budgétaire rigoureuse et une transparence accrue. À l’inverse, le Sénégal semble reproduire les erreurs du passé : des annonces tonitruantes, mais peu de résultats concrets. Comme le note un éditorialiste sénégalais, « l’heure est venue de procéder à une gouvernance exemplaire, seule à même de restaurer la confiance ».
La « rupture » promise par Sonko et Faye ressemble de plus en plus à un slogan creux. Plutôt que de s’attaquer aux réformes de fond, le gouvernement semble prisonnier des mêmes travers : clientélisme, opacité et gestion à court terme. Les Sénégalais, qui avaient massivement soutenu le changement, risquent de payer cher cette occasion manquée. La vraie rupture, celle qui rompt avec l’impunité et l’incompétence, reste à faire. En attendant, ce sont les plus pauvres qui paient le prix des promesses non tenues.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Pape Gueye.
Mis en ligne : 24/11/2025
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