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Le bras de fer public entre le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko, autour de la direction de la coalition « Diomaye Président », suscite interrogations et débats. Pourtant, loin de marquer un échec, cette tension révèle une dynamique politique inédite au Sénégal. Leur désaccord actuel, s’il est bien géré, pourrait bien illustrer la vitalité démocratique et la complémentarité potentielle d’un duo déterminé à rompre avec les pratiques du passé.
Le tandem Diomaye-Sonko s’est formé dans un contexte exceptionnel : Ousmane Sonko, empêché de se présenter à la présidentielle de 2024, avait choisi Bassirou Diomaye Faye comme candidat de substitution, scellant ainsi une alliance fondée sur la confiance et un projet commun de rupture avec les pratiques politiques passées. Leur victoire avait soulevé l’espoir d’une nouvelle ère, marquée par la transparence et la moralisation de la vie publique. Aujourd’hui, leur désaccord sur la gestion de la coalition révèle moins une faille qu’une dynamique normale de clarification des rôles au sommet de l’État.
La décision de Diomaye Faye de remplacer Aïssatou Mbodj par Aminata Touré à la tête de la coalition a suscité une réaction immédiate du Pastef, qui conteste la légitimité de cette nomination. Pourtant, cette friction n’est pas nécessairement négative. Comme le souligne Mandiaye Diouf, « quand Ousmane Sonko fut empêché de concourir, il désigna Bassirou Diomaye Faye comme son successeur légitime. Ce geste fut perçu comme un acte de foi politique, une confiance totale et patriotique, presque fraternelle et angélique ». Leur différend actuel, s’il est géré avec intelligence, peut devenir un moteur de clarification et de renforcement de leur partenariat.
Les deux hommes incarnent des légitimités distinctes mais complémentaires : Sonko, leader charismatique et porteur d’une légitimité populaire, et Diomaye Faye, garant de la stabilité institutionnelle. Leur dualité, si elle est assumée, peut offrir au Sénégal un équilibre rare entre dynamisme militant et rigueur étatique.
Depuis leur arrivée au pouvoir, Diomaye Faye et Sonko ont su se répartir les rôles : le président s’attache à la stabilité politique et aux partenariats économiques, tandis que le Premier ministre mobilise la base et porte les réformes sociales. Comme le note La Nouvelle Tribune, « cette dualité, complémentaire mais fragile, devra trouver un équilibre durable pour préserver la cohérence du pouvoir ». Leur capacité à incarner à la fois la rupture et la continuité est un atout majeur pour le pays.
Contrairement à d’autres duos africains (Senghor-Dia, Sankara-Compaoré, Abdel Aziz-Ghazouani), qui se sont déchirés dans le sang ou par des coups de force, Diomaye et Sonko ont jusqu’ici privilégié le dialogue et la transparence. Leur conflit actuel, bien que public, reste dans le cadre institutionnel, une première dans l’histoire politique sénégalaise. Même le binôme Medvedev-Poutine, souvent cité en exemple, reposait sur une hiérarchie claire et une subordination assumée, là où Diomaye et Sonko cherchent à inventer un nouveau modèle de partage du pouvoir.
Le meeting géant organisé par Sonko le 8 novembre, où il a réaffirmé l’unité du camp présidentiel, prouve que leur alliance conserve un soutien massif. Leur capacité à mobiliser des foules montre que les Sénégalais croient encore en leur projet commun. Comme l’écrit Abass Fall, « le discours tenu par Ousmane Sonko marque un moment charnière dans la dynamique politique du Sénégal », réaffirmant la volonté de rupture avec les logiques d’endettement et de clientélisme.
Le tandem a impulsé un recentrage de la diplomatie sénégalaise sur l’Afrique, avec des visites et des partenariats renforcés avec les pays du continent. Leur volonté de redéfinir les relations avec les institutions financières internationales, tout en préservant la stabilité macroéconomique, témoigne d’une approche pragmatique et innovante.
Leur capacité à surmonter cette crise sera un test pour la maturité démocratique du Sénégal. Si d’autres pays africains ont échoué à gérer des cohabitations similaires, le Sénégal a l’opportunité de montrer qu’une alternance pacifique et une gestion collégiale du pouvoir sont possibles.
L’histoire africaine regorge de duos politiques explosifs, mais peu ont su transformer leurs divergences en force. En Afrique du Sud, la rivalité entre Thabo Mbeki et Jacob Zuma a fragilisé l’ANC ; au Burkina Faso, Sankara et Compaoré ont fini par s’affronter. En Russie, Medvedev et Poutine ont réussi à maintenir une apparence d’unité, mais au prix d’une hiérarchie stricte et d’une opacité persistante. Le tandem Diomaye-Sonko, lui, a la chance de pouvoir s’appuyer sur une base militante unie et un projet politique clair.
Le bras de fer actuel entre Diomaye Faye et Ousmane Sonko n’est pas le signe d’un échec, mais d’une transition nécessaire vers une gouvernance plus mature. Leur capacité à transformer leurs différences en force Diomaye comme « volant et frein », Sonko comme « moteur et accélérateur » déterminera l’avenir du Sénégal.
Plutôt que de craindre leur divergence, les Sénégalais devraient y voir l’opportunité de construire un modèle inédit de leadership partagé. Si d’autres ont échoué, ce tandem a toutes les cartes en main pour réussir, à condition de faire primer l’intérêt national sur les ambitions personnelles. Leur succès serait une leçon pour toute l’Afrique : le pouvoir ne se partage pas seulement, il se construit à deux.
Et si, plutôt que de craindre la rupture, le Sénégal voyait dans ce tandem l’émergence d’un nouveau modèle de gouvernance, où la complémentarité l’emporte sur la rivalité ?
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Eve Sagna.
Mis en ligne : 30/10/2025
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