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La mort tragique de Nogaye Thiam, jeune femme de 23 ans retrouvée sans vie après 48 heures d’isolement dans sa chambre, aux côtés de son enfant d’un an et demi, a secoué le Sénégal. Les révélations de sa sœur, Adja Makeup, ont exposé au grand jour un drame aussi sordide qu’inacceptable : une femme meurt dans sa propre maison, et personne ne s’en aperçoit. Ce fait divers n’est pas qu’une tragédie individuelle, c’est le symbole d’un système familial et social pourri, où l’indifférence, le conformisme et la cruauté se cachent derrière les apparences.
Derrière ce drame, c’est toute une société qui doit s’interroger : comment en est-on arrivé là ? Comment une jeune mère peut-elle disparaître dans l’indifférence générale, au sein même de sa famille ? Ce cas n’est malheureusement pas isolé. Il révèle une réalité glaçante : dans trop de foyers, le mariage, censé être un havre de vie, se transforme en tombeau lent pour celles qui n’ont plus le droit de crier.
Nogaye Thiam, fille d’une figure respectée, Samba Thiam, était mariée à son cousin et vivait sous le même toit que sa belle-famille. Un cadre qui, en théorie, devrait offrir sécurité et soutien. Pourtant, c’est dans ce cercle familial étouffant qu’elle a trouvé la mort, seule, abandonnée, avec son enfant livré à lui-même. Les tensions avec sa belle-mère, les conflits familiaux non résolus, et surtout, le silence imposé par la peur du scandale, ont scellé son sort. Dans une société où le mariage entre cousins est encore courant, où la réputation prime sur le bien-être, et où les femmes sont éduquées à supporter en silence, Nogaye n’a eu ni échappatoire ni secours. Son histoire n’est que la partie émergée de l’iceberg : combien de femmes, aujourd’hui, subissent le même enfer derrière des portes closes ?
Les réseaux sociaux se sont embrasés, mais l’indignation ne doit pas masquer une vérité amère : ce drame est le résultat d’une culture qui valorise les apparences plus que les vies. Une culture où une femme peut disparaître pendant deux jours sans que personne ne s’en inquiète, où un enfant peut rester seul avec le corps sans vie de sa mère sans que la famille ne réagisse. Où est l’humanité dans tout cela ? Où est la solidarité tant vantée de nos traditions ?
Le cas de Nogaye Thiam pose une question fondamentale : comment une jeune femme peut-elle mourir dans sa propre maison, entourée de sa famille, sans que personne ne s’en rende compte ? La réponse est simple, mais terrifiante : parce que dans trop de foyers, les femmes ne comptent pas. Leur souffrance est minimisée, leurs cris étouffés, et leur existence réduite à leur rôle d’épouse et de mère. Nogaye était discrète, réservée, comme tant d’autres. Elle a porté seule le poids de ses tensions familiales, de ses peines, et de son isolement. Jusqu’à ce que son corps, inerte, devienne le témoin muet d’un système qui l’a sacrifiée.
Ce qui est encore plus révoltant, c’est que ce drame aurait pu être évité. Comment une belle-famille peut-elle ignorer à ce point une jeune mère et son enfant ? Comment des voisins, des proches, peuvent-ils fermer les yeux sur une situation aussi alarmante ? La réponse est dans notre propre hypocrisie collective. Nous préférons détourner le regard, par peur de nous immiscer dans les affaires des autres, par peur de briser l’image idyllique de la famille unie. Mais à quel prix ?
L’enfant de Nogaye, âgé d’à peine 18 mois, a passé deux jours seul avec le corps de sa mère. Deux jours à pleurer, à chercher désespérément à téter, sans comprendre pourquoi sa mère ne répondait plus. Deux jours pendant lesquels personne n’a daigné vérifier ce qui se passait derrière cette porte close. Cet enfant est la victime collatérale d’un système qui néglige les plus vulnérables. Son calvaire doit nous hanter : il est le symbole de notre échec collectif à protéger ceux qui en ont le plus besoin.
Le mariage, dans sa forme actuelle, est souvent une prison pour les femmes. Sous couvert de tradition, de respectabilité, ou de conformisme social, des milliers de femmes vivent un enfer quotidien. Elles se marient, quittent leur famille, et se retrouvent livrées à elles-mêmes dans un environnement hostile, où leur bien-être passe après les apparences. Nogaye Thiam en est la preuve tragique.
Premièrement, le mariage entre cousins, encore largement pratiqué, crée des dynamiques familiales toxiques. Les tensions, les jalousies, et les conflits d’intérêts sont inévitables, et les femmes en paient le prix fort. Dans ce cas précis, les tensions avec la belle-mère et les différends familiaux ont contribué à l’isolement de Nogaye. Pourtant, personne n’a agi. Personne n’a tendu la main. Parce que dans notre société, une femme doit supporter, se taire, et sourire, même quand elle se meurt à petit feu.
Deuxièmement, l’absence de mécanismes de protection est criante. Où sont les cellules d’écoute ? Où sont les voisins qui osent frapper à la porte quand quelque chose ne va pas ? Où est l’État, qui devrait garantir la sécurité de ses citoyennes ? Nogaye est morte faute de vigilance, faute de solidarité, faute de courage. Son histoire doit servir de déclic : il faut de briser le silence. Il faut dire haut et fort que le mariage ne doit pas être une sentence de mort lente.
Enfin, ce drame soulève une question essentielle : que valent nos traditions si elles tuent nos filles ? Que valent nos valeurs si elles abandonnent nos enfants ? Il est temps de remettre en cause ces normes qui étouffent les femmes et les empêchent de vivre. Le mariage doit être un choix, une source de bonheur, et non une prison.
Le calvaire de Nogaye Thiam n’est malheureusement pas unique. Dans de nombreux pays, des femmes meurent dans l’indifférence, victimes de violences familiales ou de négligence. En Inde, des jeunes mariées sont brûlées vives pour des dots insuffisantes. Au Moyen-Orient, des femmes sont enfermées, battues, ou tuées au nom de l’honneur. En Europe et en Amérique, des femmes meurent sous les coups de leur conjoint, malgré les lois et les campagnes de sensibilisation. Partout dans le monde, le foyer, qui devrait être un refuge, se transforme en piège mortel pour celles qui n’ont pas le droit de partir.
Au Sénégal, comme ailleurs, le problème est le même : une culture du silence, une peur du scandale, et une indifférence généralisée. Les femmes sont éduquées à endurer, à se sacrifier, à mettre les besoins des autres avant les leurs. Mais à quel moment allons-nous comprendre que leur vie compte ? À quel moment allons-nous cesser de fermer les yeux ?
La mort de Nogaye Thiam doit être un électrochoc. Elle doit nous pousser à remettre en question nos priorités, nos traditions, et notre humanité. Une femme ne devrait jamais mourir seule dans sa chambre, abandonnée par ceux qui devraient la protéger. Un enfant ne devrait jamais passer deux jours seul avec le corps de sa mère, sans que personne ne vienne à son secours.
Il faut exiger des comptes. Que la famille de Nogaye réclame une autopsie complète, pour que la vérité éclate au grand jour. Que les autorités ouvrent une enquête transparente, pour que justice soit rendue. Que la société tout entière se réveille, et cesse de tolérer l’intolérable.
Le mariage doit être un lieu de vie, pas de mort. Les femmes doivent être libres, respectées, et protégées. Leur vie est un privilège, et il est de notre devoir à tous de la préserver. Que l’âme de Nogaye repose en paix, mais que sa mort ne soit pas vaine. Qu’elle soit le début d’un changement, d’une prise de conscience collective. Parce que personne ne devrait mourir en silence. Personne ne devrait mourir seul.
Que sa mémoire nous rappelle à notre devoir : protéger les vulnérables, briser les silences, et construire une société où chaque vie compte.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Eve Sagna.
Mis en ligne : 10/12/2025
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