Article opinion écrit par le contributeur : Amadou Sangounane Mboup.
Le Sénégal de Bassirou Diomaye Faye sera-t-il le premier pays à abandonner le franc CFA ? C’est l’une des promesses électorales du Président sénégalais qu’il compte réaliser en prenant le temps nécessaire.
Sortir du franc CFA pour retrouver sa souveraineté monétaire, rompre l’un des derniers liens de sujets avec la France, c’est un débat crucial pour la jeunesse ouest-africaine. Un geste qui serait très fort sur le plan politique, mais lourd de conséquences économiques.
Une rupture brutale pourrait faire fuir les investisseurs et précipiter le pays dans une crise financière. Pas vraiment ce dont a besoin le Sénégal. Pas plus que les sept autres pays partageant cette monnaie. Même les trois pays dirigés par des juntes militaires, le Mali, le Niger et le Burkina Faso, n’ont pas osé franchir le Rubicon.
Ils veulent quitter la Cédéao, la Communauté des États d’Afrique de l’Ouest qui les a sanctionnés, mais pas question pour le moment de sortir du CFA. Fort de la légitimité des urnes, Diomaye Faye devient un porte-voix régional d’un mouvement jusqu’alors très populaire dans la rue, mais pas du tout assumé au niveau des dirigeants.
Toutefois, des avis différents sont exprimés sur la question. Selon Rabah Arezki, « le franc CFA a permis de juguler l’inflation ». Cet économiste martèle que la lutte contre l’inflation est devenue un enjeu central en Afrique. Du fait de son fonctionnement basé sur un taux de change fixe avec l’euro (et avant cela, le franc français), le principal inconvénient du franc CFA est qu’il empêche les États concernés de mener une politique monétaire autonome et durablement différente de celle de la zone euro.
Comme le résume l’économiste et ex-ministre togolais Kako Nubukpo : « Le franc CFA, accroché à l’euro par une parité fixe, est une monnaie qui donne l’impression d’être riche. » Cela fait baisser le coût des importations, mais plutôt que de produire par vous-même, vous avez alors tendance à importer ce que les autres produisent.
La parité fixe avec l’euro procure cependant au franc CFA une relative stabilité monétaire et crédibilité internationale (en comparaison à d’autres devises africaines plus volatiles), ce qui est l’une des raisons ayant jusqu’alors incité les pays utilisateurs à le conserver.
Rappelons que le franc CFA est né le 26 décembre 1945, dans la foulée de la ratification des accords de Bretton Woods par la France. Il signifiait alors « franc des colonies françaises d’Afrique » (avant d’être renommé en 1958 « franc de la Communauté financière africaine ») et son but principal était de restaurer un moyen de paiement et de stockage de valeur sûr dans les territoires qui avaient été isolés de la métropole pendant la Seconde Guerre mondiale.
Selon Saied Bouamama, « la France place naturellement, comme tout agent économique intelligent, les immenses capitaux africains dans les établissements financiers ayant les meilleurs taux de rémunération ». Elle s’approprie logiquement le différentiel des taux d’intérêts. Par exemple, elle garantit le paiement aux Africains d’un taux annuel de 2 % alors qu’elle perçoit une rémunération de 4,5 %. Le différentiel des taux d’intérêt qui lui revient en net est de 2,5 %. En supposant que les capitaux africains placés s’élèvent à 100 000 milliards de FCFA, la France perçoit un net de 250 milliards de FCFA au titre des intérêts annuels. […]
Sur celles-ci [les ressources ainsi obtenues], la France puise une petite partie, dix milliards de francs CFA par exemple, pour les prêter aux pays de la zone Franc à des faibles taux d’intérêt compris entre 3 % et 10 % l’an, tambour battant afin de montrer au monde entier ses actes de générosité envers cette Afrique qu’elle prétend ainsi aider ! C’est ce qu’on appelle l’aide financière de la France à ses anciennes colonies.
Article opinion écrit par le contributeur : Amadou Sangounane Mboup
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