À Colobane, cœur battant du commerce dakarois, les rues sont envahies de fripes occidentales. Balles compressées, étiquetées « charité » ou « recyclage », mais devenues marchandise à revendre. Derrière chaque pile de jeans usés ou de T-shirts griffés se cache une vérité brutale : l’Afrique est devenue la décharge textile de l’Occident.
Des tonnes de vêtements usagés, importés chaque année au Sénégal, étouffent nos marchés et écrasent toute tentative d’essor d’une industrie textile locale. Ce commerce, largement présenté comme solidaire, perpétue en réalité une dépendance économique et culturelle.
Les grandes puissances, États-Unis en tête, inondent le continent africain de leurs surplus. La France, elle aussi, y trouve son compte : 69 000 tonnes de vêtements usagés envoyés. Derrière ces chiffres, une logique implacable : au nom du développement, on recycle nos habits d’Occident pour les revendre ici, tuant dans l’œuf toute politique industrielle sérieuse. Les vendeurs locaux, comme Mamadou Sarr à Dakar, tentent de tirer leur épingle du jeu. Mais à quel prix ? Ces jeunes entrepreneurs restent coincés dans l’informel, précaires, soumis à des marges étroites, loin de tout filet social.
Certes, des initiatives comme « Le Relais » se targuent de créer des emplois et de financer des projets sociaux. Mais faut-il vraiment dépendre de la générosité recyclée de l’Europe pour se vêtir ou survivre ? Que dire du tissu industriel sénégalais, anéanti depuis les années 1980 par les politiques d’ajustement structurel, les accords de libre-échange biaisés et l’invasion de ces vêtements de seconde main ? Relancer une industrie textile locale serait une réponse durable, mais encore faudrait-il avoir le courage politique d’interdire ou de limiter ces importations qui tuent toute velléité d’autonomie.
Ce système n’est ni neutre ni innocent. Il est le fruit d’une logique néocoloniale, où l’Afrique reste consommatrice de produits déjà rejetés ailleurs. Les habits « Made in England » ou « Donated by France » ne sont pas des cadeaux. Ce sont des armes économiques, qui sapent nos talents, détruisent notre production et perpétuent l’image d’une Afrique incapable de créer, de coudre, de se vêtir dignement. Chaque T-shirt à 300 francs CFA, chaque jean effiloché importé, est un pas de plus vers une dépendance renforcée.
Il est temps d’ouvrir les yeux. Nos marchés ne doivent pas être les cimetières du textile occidental. L’Afrique a besoin d’une véritable souveraineté économique, y compris dans l’habillement. Cela passe par une volonté politique forte, des investissements massifs dans le textile local, et une réglementation stricte de la friperie. Ce n’est qu’à ce prix que nous pourrons, un jour, recoudre les fils d’une dignité économique trop longtemps piétinée.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Aly Mbaye.
Mis en ligne : 16/04/2025
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