Le sabar en voie de dénaturation : Déclin d’un art profond - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Art & Culture | Par Maimouna | Publié le 21/04/2025 04:04:52

Le sabar en voie de dénaturation : Déclin d’un art profond

Le sabar, danse traditionnelle sénégalaise aux rythmes puissants et aux mouvements ancrés dans l’histoire des peuples wolofs, connaît aujourd’hui une popularité nouvelle, portée par les vidéos virales sur TikTok, Instagram ou YouTube.

En quelques secondes de vidéos rythmées, ce qui était jadis une pratique codée, encadrée, empreinte de respect et de symbolisme, devient un objet de consommation rapide, réduit à quelques pas suggestifs et à des chorégraphies formatées pour le regard extérieur. La question se pose alors avec une urgence sourde : le sabar, tel que pensé, vécu et transmis de génération en génération, peut-il survivre à cette exposition mondialisée et souvent déformante ?

À première vue, la visibilité offerte par les réseaux sociaux pourrait être vue comme une chance. Des jeunes redécouvrent leurs racines, des étrangers s’intéressent à la culture sénégalaise, des percussionnistes et danseurs se font connaître. Mais cette diffusion numérique ne vient pas sans conséquences. Elle se fait rarement dans le respect des codes originels. Le sabar n’est pas un simple spectacle : c’est un langage corporel structuré, lié aux moments de la vie, à des rituels sociaux et spirituels. L’arracher à ce contexte pour le transformer en “trend” revient à lui ôter son âme.

Pire encore, une partie du contenu qui circule en ligne ne reflète que l’aspect le plus spectaculaire, voire érotisé, du sabar. Les plans insistent sur les déhanchements, les accroupissements, les effets de transgression, alimentant des lectures dégradantes, surtout lorsqu’elles sont isolées de leur fondement culturel. Ce glissement alimente un regard exotisant et sexiste, souvent tourné vers les danseuses, et laisse penser que le sabar n’est qu’un jeu de provocation, quand il est en réalité une conversation complexe entre le rythme, le corps, et la communauté.

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La responsabilité est donc double. Celle des créateurs de contenu, souvent jeunes, qui reproduisent sans toujours comprendre. Et celle des communautés culturelles, qui ont parfois laissé le terrain libre au buzz, faute de moyens ou d’espaces de transmission plus solides. Il ne s’agit pas ici de rejeter les réseaux sociaux en bloc. Mais de poser la nécessité d’un ancrage : si le sabar veut survivre dans l’ère du numérique, il doit être raconté, enseigné, protégé.

Des initiatives existent. Certaines écoles de danse, certains percussionnistes, prennent le temps d’expliquer l’origine des pas, les raisons des gestes, les liens entre les rythmes. Mais elles restent noyées dans le flot des vidéos sensationnalistes. Pour que le sabar vive, il faut non seulement le danser, mais aussi le contextualiser, l’encadrer, et surtout, le sortir du seul regard consommateur pour le replacer dans une logique de transmission.

La viralité peut donner une illusion de survie. Elle donne une vie artificielle aux traditions, mais elle peut aussi les vider de leur substance. Le sabar, pour exister demain, ne peut se contenter d’être “liké” ou “partagé” : il doit rester vécu, compris et respecté. La question n’est donc pas de savoir s’il peut survivre à la viralité, mais plutôt : sommes-nous prêts à défendre ce qu’il représente au-delà des écrans ?

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Fadèle.
Mis en ligne : 21/04/2025

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2 commentaires
lydie
Tellement vrai ! Le sabar, c’est pas juste des pas sexy pour TikTok. C’est une culture, une histoire, un art. Faut qu’on respecte ça 🙏🏽
Le 2025-04-21 12:56:06
Mame
Les réseaux sociaux détruisent lentement ce que nos anciens ont mis des siècles à construire. Le sabar mérite mieux que ça.
Le 2025-04-21 12:36:45

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lydie
Tellement vrai ! Le sabar, c’est pas juste des pas sexy pour TikTok. C’est une culture, une histoire, un art. Faut qu’on respecte ça 🙏🏽
Le 2025-04-21 12:56:06
Mame
Les réseaux sociaux détruisent lentement ce que nos anciens ont mis des siècles à construire. Le sabar mérite mieux que ça.
Le 2025-04-21 12:36:45

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