Le canal de Suez serpente discrètement entre Port-Saïd et Suez, sur un peu plus de 190 kilomètres, mais sa portée dépasse de loin ses dimensions physiques.
Le canal de Suez est plus qu’un simple passage maritime : c’est l’artère vitale de l’économie égyptienne, un levier géopolitique majeur, et un symbole national chargé d’histoire. L’Égypte ne peut ni l’ignorer, ni se permettre de le fragiliser.
Chaque jour, des dizaines de navires empruntent cette voie, reliant la mer Méditerranée à la mer Rouge et, par extension, l’Europe à l’Asie. Le canal représente environ 12 % du commerce maritime mondial, ce qui en fait l’un des corridors stratégiques les plus empruntés et les plus convoités de la planète. Il permet de gagner plusieurs milliers de kilomètres par rapport au contournement de l’Afrique par le cap de Bonne-Espérance, ce qui en fait un raccourci incontournable dans une économie mondialisée obsédée par la rapidité et la rentabilité.
Mais au-delà de son utilité internationale, le canal est un pilier économique pour l’Égypte elle-même. En 2023, il a généré plus de 8 milliards de dollars de recettes, représentant une part significative des devises étrangères du pays. À l’heure où l’économie égyptienne traverse de fortes turbulences – inflation, dette croissante, dévaluation de la livre – le canal agit comme une bouée de sauvetage. C’est une rente précieuse, certes, mais aussi fragile, car dépendante des flux commerciaux mondiaux et des tensions géopolitiques.
L’affaire de l’Ever Given, ce porte-conteneurs géant resté bloqué dans le canal en mars 2021, a été un signal d’alerte brutal. En quelques heures, le monde entier a compris à quel point cette voie était centrale et vulnérable. Des milliards de dollars ont été perdus, des chaînes logistiques perturbées, et la réputation d’un couloir réputé fiable en a pris un coup. Cet épisode a rappelé à l’Égypte que la maîtrise du canal n’est pas seulement une question de souveraineté, mais aussi de compétence, de maintenance et de modernisation continue.
Il est donc crucial que l’État égyptien investisse davantage dans l’infrastructure du canal, dans la formation des équipes techniques, dans la sécurité et dans l’innovation. Faire du canal une infrastructure du XXIe siècle, capable de répondre aux défis du changement climatique, des cyberattaques ou des nouvelles routes commerciales, c’est garantir à l’Égypte un avenir stratégique dans un monde en constante redéfinition.
Le canal de Suez ne doit pas être vu uniquement comme une source de revenus faciles, mais comme un capital stratégique à entretenir, à protéger et à valoriser. Il incarne à lui seul le rôle que l’Égypte peut jouer à l’échelle mondiale : celui d’un carrefour, d’un trait d’union, d’un acteur incontournable. Dans un monde où les routes commerciales sont aussi des champs de pouvoir, l’Égypte tient entre ses mains bien plus qu’un canal : elle tient une clé.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Aminata Dia.
Mis en ligne : 22/04/2025
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