Inculpé pour détournement de deniers publics, blanchiment de capitaux et association de malfaiteurs, l’homme d’affaires Tahirou Sarr tente une nouvelle percée sur le terrain judiciaire. Après le rejet d’une première demande de liberté provisoire, il revient à la charge avec un montage de garanties que ses avocats présentent comme juridiquement irréprochable. Au cœur de cette offensive : une caution colossale de 31,9 milliards de francs CFA, combinant biens immobiliers et numéraire.
Selon des informations rapportées par L’Observateur, cette caution est constituée de trois propriétés situées à Rufisque, toutes enregistrées au Livre foncier, et d’un dépôt numéraire de 11 milliards de francs CFA consigné à la Caisse des dépôts et consignations (CDC).
Le montant total des garanties atteint précisément 31 905 033 000 francs CFA, censé couvrir intégralement le préjudice allégué par la justice.
La nouvelle demande a été introduite mardi dernier auprès du président du Collège des juges d’instruction du pool judiciaire financier. Objectif : faire valoir que toutes les garanties sont désormais incontestables, tant sur le plan juridique que procédural. Une stratégie que L’Observateur qualifie de « soigneusement construite ».
Le juge instructeur a déjà autorisé, par ordonnance, l’inscription d’hypothèques sur les trois biens concernés. Ces derniers sont répertoriés sous les titres fonciers n°700/R (estimé à 13 milliards), n°92/R (5 milliards) et n°5281/R (2,6 milliards). À ce stade, ni le parquet ni l’Agent judiciaire de l’État n’ont contesté cette ordonnance dans les délais légaux — un détail que la défense brandit comme un signe de solidité de leur montage.
Dans la foulée, Me Seydou Diagne, avocat principal de Tahirou Sarr, a sollicité le 13 mai une attestation de non-enrôlement en cassation contre l’arrêt n°20 du 2 mai 2025 rendu par la Chambre d’accusation financière. Ce document, délivré par la Cour suprême, vise à prouver qu’aucun recours formel n’est pendant contre cette décision favorable au prévenu.
L’affaire remonte à un rapport explosif de la Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF), transmis au procureur de la République le 20 décembre 2024. Il y était question de flux financiers jugés suspects entre Tahirou Sarr et le député-maire Farba Ngom, via les sociétés Sofico SA et Groupe Immobilier Suisse (GIS). De là, une série de chefs d’inculpation : association de malfaiteurs, escroquerie sur deniers publics, blanchiment de capitaux et abus de biens sociaux. Le montant en jeu est estimé à 25,3 milliards de francs CFA.
Une première tentative de constitution de garantie avait été retoquée, notamment en raison de l’irrégularité d’un des titres proposés — le TF n°420/Bis de Mbane — qui, bien que détenu en bail par Sofico, ne lui appartenait pas en titre. Cette erreur a été corrigée. Me Diagne a alors introduit une nouvelle requête le 28 février 2025, proposant des biens fonciers juridiquement incontestables, et y adjoignant le dépôt numéraire de 11 milliards. Une ordonnance (n°68/25) est venue valider cette composition, permettant au conservateur foncier de procéder aux inscriptions hypothécaires.
Dans une manœuvre stratégique, le TF de Mbane a été retiré du dossier de caution, pour éliminer toute zone d’ombre. L’Observateur souligne que cette initiative visait à présenter un dossier de garantie « sans failles » au juge d’instruction.
Pour mener cette nouvelle offensive, Tahirou Sarr a musclé sa défense. Aux côtés de Me Seydou Diagne, plusieurs figures du barreau sont désormais engagées : Mes Boubacar Wade, Boubacar Koïta, Guédel Ndiaye et Aly Fall. Un collectif de poids face à l’État du Sénégal, dans un contexte de lutte accrue contre la corruption et pour la transparence, prôné par les nouvelles autorités.
Les avocats misent sur le respect des procédures et la solidité des garanties pour espérer obtenir la libération de leur client. L’absence de contestation des autorités judiciaires, relevée par L’Observateur, pourrait jouer en leur faveur.
Reste à savoir si les juges du pool financier accorderont cette fois la liberté provisoire à Tahirou Sarr. Une chose est sûre : le bras de fer judiciaire est loin d’être terminé.
Article écrit par : Amadou Diop
Mis en ligne : 19/05/2025
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