Les juges d’instruction français ont officiellement clos, vendredi 16 mai, l’enquête visant Agathe Habyarimana, veuve de l’ancien président rwandais Juvénal Habyarimana, sans prononcer de mise en examen. Cette décision marque un tournant judiciaire dans un dossier emblématique lié au génocide au Rwanda, un épisode tragique qui continue de hanter la mémoire collective.
Selon une ordonnance consultée par nos soins et confirmée par des sources proches du dossier, les magistrats estiment qu’aucun élément probant ne permet de retenir des charges de complicité de génocide ou de crimes contre l’humanité contre Mme Habyarimana.
Cette enquête, ouverte en 2008 à la suite d’une plainte du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), cherchait à établir les responsabilités potentielles d’Agathe Habyarimana dans les événements ayant conduit au génocide des Tutsis au Rwanda en 1994.
Dans leur décision, les juges soulignent « qu’il n’existe pas à ce stade d’indices graves et concordants » pour justifier une mise en examen. Ils pointent notamment des témoignages jugés « contradictoires, incohérents, voire mensongers ». Par ailleurs, ils insistent sur l’absence de tout discours public de la veuve présidentielle incitant à la haine ou au massacre, un facteur déterminant dans la décision de refermer l’enquête.
« La rumeur, si tenace soit-elle, ne peut faire office de preuve en l’absence d’éléments circonstanciés et concordants », précisent-ils encore dans leur ordonnance.
Agathe Habyarimana, aujourd’hui âgée de 82 ans, échappe donc – pour l’heure – à toute comparution devant la justice française. Pourtant, en septembre 2024, le Parquet national antiterroriste, compétent pour les crimes les plus graves, avait saisi la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris afin d’obtenir sa mise en examen. Une audience est toujours prévue le mercredi 21 mai, mais pourrait être rendue caduque par ce non-lieu.
Du côté des parties civiles, la décision provoque incompréhension et colère. Me Patrick Baudouin, avocat de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), déplore une clôture « prématurée » du dossier, affirmant que « des éléments à charge largement suffisants existent pour justifier au minimum une mise en examen ».
L’affaire Agathe Habyarimana s’inscrit dans un cadre plus large : celui de la justice internationale face aux responsabilités indirectes dans le génocide des Tutsis au Rwanda. Bien qu’aucune implication directe n’ait été formellement établie dans ce dossier, pour de nombreux survivants et familles de victimes, le sentiment d’inachevé demeure.
Trente ans après les massacres, la quête de justice autour du génocide des Tutsis au Rwanda se heurte encore à des obstacles juridiques et politiques. Cette décision de non-lieu relance le débat sur la capacité des juridictions européennes à traiter des crimes de masse avec toute la rigueur et la portée que réclame la mémoire des victimes.
Article écrit par : Amadou Diop
Mis en ligne : 20/05/2025
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