Vendredi soir, au lendemain de la levée de son immunité parlementaire, Joseph Kabila, ancien président de la République démocratique du Congo (RDC) et sénateur à vie, est enfin sorti de son mutisme. « Presque six ans après son départ du pouvoir, relate Le Point Afrique, il prend la parole dans une allocution télévisée de quarante-cinq minutes diffusée sur Internet. (…) Le ton est grave, le message frontal. » Le raïs s’en prend directement au régime de Félix Tshisekedi, accusant ce dernier d’avoir transformé le Parlement, « temple de la démocratie », en simple « chambre d’enregistrement de la volonté d’un seul homme ».
Le visage impassible, le verbe acéré, Joseph Kabila, désormais âgé de 53 ans, se présente comme la cible d’un pouvoir qu’il qualifie d’autoritaire et revanchard.
« Ivresse du pouvoir », « cynisme » et « tyrannie » : Kabila charge sans détour Félix Tshisekedi, souligne Jeune Afrique. En filigrane, l’ex-chef de l’État, absent du pays depuis janvier 2024, tente un retour en scène. Mais il reste flou sur le rôle qu’il entend jouer dans une éventuelle sortie de crise.
Que cherche réellement Joseph Kabila ? Pour Afrikarabia, site spécialisé sur la RDC, « l’ancien président laisse peu de doutes sur sa volonté de revenir jouer un rôle de premier plan dans la crise congolaise. Mais lequel ? (…) Dans sa conclusion, Joseph Kabila affirme que dans la crise congolaise, “chacun doit jouer sa partition”, et s’engage à jouer la sienne ».
Mais quelle partition ? s’interroge encore le média. « Est-ce celle de l’ancien militaire qui “a juré de défendre la patrie jusqu’au sacrifice suprême”, ou celle de l’ancien chef de l’État qui veut “restaurer la démocratie en revenant aux fondamentaux d’un véritable État de droit” ? Qui est de retour ? L’ancien chef de guerre ou bien le démocrate qu’il se revendique ? Seul l’avenir nous dira quel costume Joseph Kabila aura finalement choisi de revêtir. »
Difficile, en effet, de percer les intentions réelles de celui qui a dirigé le pays pendant près de deux décennies. Afrik.com note que « en appelant à un “pacte citoyen” pour “tirer le pays du gouffre”, Joseph Kabila tente de se repositionner en homme d’État soucieux de l’intérêt général. Mais cette main tendue apparaît aussi comme un défi au pouvoir en place, une manière de contourner les institutions qu’il juge “illégitimes” et de s’adresser directement au peuple. »
Une démarche qui plonge la RDC dans une situation politique extrêmement délicate, souligne le site panafricain : « un ancien président mis en accusation, un climat sécuritaire délétère, une opposition fragmentée mais en éveil, et une population de plus en plus méfiante face à ses élites. L’avenir politique de Joseph Kabila, comme celui de la RDC, est suspendu aux décisions des prochains jours. Mais une chose est sûre : en brisant le silence, l’ancien président a rouvert une page que le pouvoir espérait avoir définitivement tournée. »
La presse ouest-africaine, de son côté, se montre particulièrement sévère envers l’ancien président congolais. « C’est l’hôpital qui se fout de la charité », ironise Le Pays au Burkina Faso. « S’il y a un dirigeant dont le nom reste associé aux pratiques autoritaires, à la répression, à la personnalisation du pouvoir et qui a incarné les verrouillages institutionnels et les violences étatiques qui ont marqué deux décennies de règne sans partage, c’est bien Joseph Kabila lui-même. »
Et de s’interroger : « Par quelle étrange alchimie ou amnésie politique ose-t-il donc aujourd’hui s’ériger en chantre des libertés individuelles et collectives, alors qu’il avait réduit tous les espaces démocratiques et laissé s’enkyster les conflits dans le Nord et le Sud-Kivu ? »
« Non à l’imposture de Joseph Kabila », s’insurge Ledjely en Guinée. « Quel culot ! (…) Joseph Kabila ne peut en aucun cas faire partie de la solution. Il incarne, à bien des égards, le cœur même du problème de la RDC. » Le site d’information guinéen appelle le peuple congolais à la vigilance : « Il revient désormais au peuple congolais de barrer la route à cette imposture. De dire non à cette tentative cynique de manipulation. Car Joseph Kabila incarne l’un des visages du mal qui ronge le pays depuis l’indépendance. Le Congo souffre de l’irresponsabilité chronique de ses élites, qui n’ont jamais considéré le pays et ses habitants autrement que comme des variables d’échange au service de leurs intérêts. »
Alors que la RDC traverse une nouvelle zone de turbulences, le retour médiatique de Joseph Kabila pourrait bien bouleverser un équilibre déjà précaire. Reste à savoir si l’ancien président joue ses dernières cartes… ou prépare un coup de maître.
Article écrit par : Amadou Diop
Mis en ligne : 26/05/2025
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