Pendant des décennies, le Nigeria s’est abandonné à la rente pétrolière, délaissant une agriculture pourtant riche de promesses. Aujourd’hui, alors que les recettes pétrolières fondent et que le cours du cacao flambe, le pays redécouvre l’or brun. Mais ce retour au cacao ne saurait être un simple réflexe opportuniste : c’est un devoir national.
Le Nigeria doit sortir de cette économie de l’urgence, en rupture totale avec un modèle extractiviste qui l’a appauvri, marginalisé, et privé de son autonomie alimentaire.
Les ambitions affichées par les autorités, avec un objectif de production de 500 000 tonnes, sont louables mais cruellement déconnectées des réalités du terrain. Sans infrastructures adaptées, sans accès équitable au foncier ni soutien financier pour les petits producteurs, cette vision restera une chimère. Les terres sont là, la main-d’œuvre aussi. Ce qui manque, c’est une politique audacieuse, courageuse, qui donne enfin la priorité aux paysans plutôt qu’aux élites industrielles ou aux acteurs étrangers dictant les règles du jeu.
Face à la tentation de reproduire les erreurs des voisins ivoirien et ghanéen dépendance aux cours mondiaux, monoculture intensive, déforestation, le Nigeria a l’opportunité historique de montrer une autre voie. Celle d’un modèle agricole endogène, durable, coopératif. Les pratiques agroforestières, la formation continue des agriculteurs, la réhabilitation des vieilles plantations sont autant de leviers pour bâtir une filière résiliente, centrée sur l’humain et la préservation des écosystèmes.
Les investissements étrangers, comme celui de la British International Investment dans Johnvents, ne doivent pas être l’arbre qui cache la forêt. À quoi bon injecter des millions si, au bout de la chaîne, les petits exploitants comme Peter Okunde n’ont toujours pas accès aux terres, aux crédits, aux marchés ? Les promesses de croissance n’ont de sens que si elles bénéficient d’abord aux communautés rurales, trop longtemps méprisées et exploitées. Ce n’est pas de charité qu’ils ont besoin, mais de justice.
Revaloriser le cacao, c’est bien plus qu’un choix économique. C’est une affirmation politique. Un pays qui ne nourrit pas son peuple ne peut prétendre à aucune souveraineté. Le Nigeria doit faire du cacao un levier d’émancipation collective, en rompant définitivement avec les logiques néocoloniales. Il ne s’agit plus de suivre les traces des autres, mais de tracer sa propre voie. Une voie de dignité, de respect de la terre, et de conquête de l’avenir.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Paul Diatta.
Mis en ligne : 27/05/2025
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