Google vient d’annoncer l’activation automatique d’un résumé des longs e-mails dans Gmail grâce à son intelligence artificielle Gemini. Présentée comme une réponse aux échanges interminables qui encombrent nos boîtes de réception, cette fonctionnalité promet de nous offrir « les points clés en un clin d’œil ».
En d’autres termes, lire devient facultatif, car l’IA nous mâche le travail. Cette innovation, aussi pratique soit-elle, soulève pourtant une question cruciale : sommes-nous en train de déléguer nos capacités de lecture et d’analyse à une machine ?
Certes, personne ne nie que certains fils de discussion soient fastidieux, verbeux, voire confus. Mais résumer un e-mail, c’est interpréter. Et toute interprétation suppose un choix, une orientation, un angle. Autrement dit, ce que Gemini mettra en avant dépendra des paramètres définis par Google, pas de votre propre sens critique. Ce n’est plus vous qui déterminez ce qui est important, c’est un algorithme. Une fois de plus, une entreprise technologique prétend nous faire gagner du temps, alors qu’elle transforme notre rapport à l’information.
Ce glissement technologique n’est pas anodin. Derrière le confort apparent se cache un risque bien réel : l’atrophie progressive de notre autonomie intellectuelle. À force d’habitude, combien liront encore l’e-mail complet ? Combien accepteront sans broncher la version résumée d’un échange professionnel complexe ou d’un message personnel délicat ? Loin d’être un simple outil d’aide, Gemini agit comme un filtre, un prisme qui nous éloigne du contenu brut.
Plus inquiétant encore, cette fonctionnalité est d’abord proposée aux utilisateurs payants, dans un modèle économique où l’intelligence artificielle devient un privilège. Une innovation réservée à ceux qui peuvent se l’offrir, avant d’être, peut-être, étendue aux autres. En Europe, l’activation manuelle laisse encore croire au libre choix. Mais l’histoire des géants du numérique montre à quel point l’opt-in devient vite l’opt-out, puis l’irréversible.
La technologie devrait nous accompagner, non penser à notre place. Résumer un long e-mail n’est pas un geste anodin : c’est décider ce qui mérite d’être lu. En automatisant ce tri, Google franchit un cap supplémentaire dans la standardisation de notre rapport à la connaissance. Lire demande du temps, de l’attention et de l’effort. Des qualités précieuses, que nous ne devrions pas troquer contre un simple paragraphe généré par une machine.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Mamadou Thiam.
Mis en ligne : 03/06/2025
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