Son remplacement était en cours depuis des mois. Il est désormais officiel, comme le souligne Le Monde Afrique. Vendredi dernier, le groupe paramilitaire russe Wagner a annoncé sur sa principale chaîne Telegram son « retour chez lui » après avoir « accompli » sa mission au Mali. Présents dans le pays depuis décembre 2021, les mercenaires quittent le théâtre d’opérations, mais la Russie, elle, reste.
Désormais, sa présence militaire est incarnée par Africa Corps, un dispositif mis en place par le ministère de la Défense russe après la mort, en août 2023, d’Evgueni Prigojine, fondateur du groupe paramilitaire russe Wagner Wagner, tué deux mois après avoir défié le pouvoir de Vladimir Poutine.
« Mission accomplie », claironne Wagner. Pourtant, ce succès proclamé reste largement à nuancer. Comme le relève Le Monde Afrique, trois ans et demi après l’arrivée des hommes de Wagner – qui auraient été jusqu’à 2 500 sur le terrain –, de vastes portions du territoire malien échappent toujours au contrôle de l’État, et notamment à celui de ses soutiens russes. Ces dernières semaines, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaïda, est passé à l’offensive et a infligé de lourdes pertes à l’armée malienne, particulièrement à Boulikessi, dans le centre du pays, où il revendique avoir tué une centaine de militaires le 1er juin.
Si le groupe paramilitaire russe Wagner peut se prévaloir d’un succès symbolique avec la reprise de Kidal, bastion des rebelles touaregs dans le nord en novembre 2023, il a aussi subi un revers cuisant huit mois plus tard à Tin Zaouatine. Là, au moins 84 de ses combattants auraient été tués, selon les rebelles. Les « musiciens », comme ils se surnomment, se sont également distingués par leur brutalité envers les civils. L’épisode le plus tragique reste le massacre de Moura, en mars 2022, où, selon un rapport des Nations unies, au moins 500 personnes ont été tuées.
Dans la presse malienne, le départ de Wagner passe quasiment inaperçu. Les actions du groupe paramilitaire ont longtemps été tues, tandis que les médias locaux reprenaient fidèlement les communiqués de l’état-major, mettant en avant les Forces armées maliennes (Fama). Dernière annonce en date : la destruction par bombardement de cinq bases terroristes dans l’ouest du pays, ce week-end. Les détails sont à retrouver dans Malijet.
En revanche, en Algérie, la presse ne cache pas son scepticisme, voire son désaveu. Dans El Khabar, le politologue Mabrouk Kahi, professeur à l’université de Ouargla, analyse : « Les conditions internes au Mali montrent que Wagner a échoué dans sa mission, subissant de lourdes défaites aux côtés de l’armée malienne face aux groupes armés touaregs et même terroristes. De nombreux éléments de Wagner ont été tués ou capturés, ce qui a gravement porté atteinte à sa réputation. Les équipements sophistiqués du groupe étaient inadaptés aux conditions désertiques, et leur méconnaissance du terrain local a accentué les difficultés. Ce retrait est, en réalité, l’aveu d’un échec. »
Même son de cloche du côté d’Akram Kharief, fondateur du site spécialisé Menadefense, interrogé par Tout Sur l’Algérie (TSA) : « Certes, les mercenaires de Wagner ont accompli ce que personne n’avait réussi avant eux, en ramenant un semblant de calme dans la région des trois frontières et en reprenant des villes comme Kidal. Mais ils ont agi avec tant de brutalité que la majorité des populations du nord ont rejoint les séparatistes. La situation sécuritaire ne s’est pas améliorée, Bamako est encerclée par la Katiba Macina, et les bases des Fama dans le nord sont attaquées quotidiennement. Wagner a échoué à deux reprises à prendre Tin Zaouatine. Leur bilan est donc très mince. Ils quittent le Mali sans véritable victoire. »
Ce passage de relais entre Wagner et Africa Corps suscite aussi des interrogations à Bamako. Le Monde Afrique rapporte les doutes de plusieurs militaires maliens, inquiets de perdre en efficacité et en souplesse. « Le Mali perd au change », confie sous anonymat un officier malien. « Entre les hommes de Wagner et ceux d’Africa Corps, ce ne sera pas le même degré d’engagement ni d’intensité. Les premiers connaissaient bien notre terrain. Les seconds seront sous la tutelle, forcément plus lourde et bureaucratique, de l’armée russe. »
Le départ de Wagner marque la fin d’une phase brutale mais décisive dans la coopération sécuritaire russo-malienne. Reste à savoir si Africa Corps, bras armé officiel du Kremlin, saura faire mieux – ou au moins autrement.
Article écrit par : Mariama Ba
Mis en ligne : 10/06/2025
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