Le ministère des Finances a récemment publié les rapports d’exécution budgétaire du quatrième trimestre 2024 et du premier trimestre 2025. Thierno Bocoum, figure de l’opposition et analyste averti, y a décelé une série d’indices inquiétants quant à la gouvernance actuelle. Si les discours officiels clament haut et fort une rigueur budgétaire sans précédent, les chiffres prouvent, eux, une réalité tout autre.
Le chef de l’État n’a eu de cesse de marteler que « l’État n’a presque plus de marge de manœuvre ». Pourtant, les chiffres du premier trimestre 2025 révèlent une hausse de 8,8 % des dépenses de personnel, atteignant 357,1 milliards FCFA. Ce bond salarial, dans un contexte censément austère, ne repose sur aucun effort de rationalisation ni d’objectifs clairs. Il traduit une volonté manifeste de préserver la machine bureaucratique, quitte à sacrifier les véritables leviers du développement.
L’indicateur le plus alarmant reste toutefois l’effondrement des investissements publics : seulement 2,64 milliards FCFA exécutés au premier trimestre 2025, contre 157,9 milliards au trimestre précédent. Cette baisse de 98,3 % est tout sauf anodine. Elle acte une mise à l’arrêt des politiques structurantes, au moment où le pays a besoin de signaux forts après les élections.
Les dépenses en capital internes, c’est-à-dire financées sans emprunts, affichent un taux d’exécution dérisoire de 0,86 %. Un tel effondrement n’est pas une erreur technique ni un legs du passé : c’est un choix politique délibéré.
Pendant que l’État freine ses investissements, les intérêts de la dette atteignent 225,1 milliards FCFA, soit 24 % de l’ensemble des dépenses exécutées au T1. L’État dépense donc pour rembourser ses créanciers, mais plus pour ses citoyens. Où est la fameuse « souveraineté budgétaire » si souvent proclamée ? Où est la « rupture » tant vantée pendant la campagne électorale ?
Au Ghana ou au Rwanda, des périodes de tension budgétaire ont été accompagnées de réformes courageuses : réduction du train de vie de l’État, recentrage sur les investissements à fort impact, partenariat renforcé avec le secteur privé. Au Sénégal, on préfère visiblement geler les chantiers publics, maintenir les privilèges administratifs et étouffer toute perspective de croissance inclusive.
Les conséquences sont palpables : les entreprises du BTP tournent à vide, les jeunes sont sans emploi ni formation, les prix flambent, et l’État, au lieu de réguler, s’efface. Comment expliquer ce retrait alors que le pays croule sous les urgences sociales ? Ce n’est pas une crise de moyens, mais une crise de volonté. L’État a délibérément choisi de protéger l’élite administrative plutôt que de servir l’intérêt général.
Il faut cesser de croire aux discours creux. Le budget, miroir des priorités réelles, montre un gouvernement en décalage profond avec les besoins du pays. Nous exigeons une réorientation immédiate des choix budgétaires : moins de dépenses de fonctionnement, plus d’investissements structurants, plus de justice sociale. Le peuple sénégalais mérite un État qui agit, pas un État qui se cache derrière des mots.
Il faut se mobiliser pour rétablir la vérité, dénoncer la duplicité, et exiger des comptes. Le budget n’est pas un exercice comptable. C’est un acte politique.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Aïsatou Barry.
Mis en ligne : 24/06/2025
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