Le député Guy Marius Sagna a récemment assumé une question écrite adressée au ministre de l’Éducation nationale, Moustapha Guirassy, son propre gendre. Malgré les critiques, il maintient sa posture en affirmant que « les liens de parenté n’effacent pas les devoirs envers le peuple ». À première vue, cette déclaration peut sembler noble. Mais à y regarder de plus près, c’est un nouvel épisode d’un théâtre politique où les engagements d’hier sont peu à peu foulés au pied par ceux qui, hier encore, dénonçaient avec virulence les dérives de l’ancien régime.
Guy Marius Sagna, figure militante contre les injustices sociales sous Macky Sall, s’était imposé comme la voix des sans-voix, un combattant inflexible contre la connivence entre pouvoir et intérêts personnels. Mais aujourd’hui, en révélant un lien familial avec un membre du gouvernement après avoir été critiqué pour l’avoir interpellé, il semble en réalité chercher à se justifier plutôt qu’à revendiquer une indépendance réelle.
Dans un contexte où la rupture promise par les tenants du pouvoir actuel tarde à se concrétiser, où les urgences sociales s’accumulent et où les jeunes sont poussés à bout par la pauvreté, le chômage et l’exil, ce genre de débat frise l’indécence. Les Sénégalais attendent des résultats, pas des démonstrations d’équilibre familial-politique. Ce régime a été élu sur la base d’un rejet massif du clientélisme, des conflits d’intérêts et de la langue de bois. Le peuple avait cru que des profils comme Guy Marius Sagna incarnaient cette promesse. Visiblement, l’adaptation au pouvoir a ses effets.
Sous Macky Sall, Sagna n’aurait jamais toléré une telle proximité familiale entre un opposant et un ministre. Pourquoi maintenant chercher à l’expliquer avec des arguments de transparence ?
On ne peut pas être révolutionnaire dans l’opposition et devenir conciliant à la moindre ascension institutionnelle. L’honnêteté militante exige de rester ferme et cohérent, peu importe les circonstances.
Ceux qui, hier, mobilisaient les masses avec des slogans de rupture sont aujourd’hui les artisans d’un système de recyclage des pratiques anciennes. Et cela commence par la justification de liens familiaux quand la pression monte.
Les 54% de votants ne sont pas tous des partisans de Pastef. Beaucoup ont voté par espoir, par rejet des anciennes pratiques. Si ceux qui incarnent l’alternative les déçoivent, ils les renverront sans état d’âme, comme ils l’ont fait avec Diouf, Wade et Macky.
Au Burkina Faso, Thomas Sankara avait imposé une ligne de conduite claire : aucun favoritisme, même envers ses proches. Il a renvoyé son propre frère d’un poste de responsabilité publique. En Afrique du Sud, Nelson Mandela avait écarté plusieurs compagnons de lutte devenus trop attachés aux privilèges. C’est cela, la vraie rupture : quand l’exigence éthique l’emporte sur les excuses personnelles.
Les Sénégalais sont fatigués des discours sans lendemain, des déclarations enflammées qui s’éteignent une fois les fauteuils conquis. Guy Marius Sagna, s’il tient vraiment à rester ce militant incorruptible qu’il prétend être, n’a pas à se justifier. Il doit continuer à frapper fort, sans détour, sans reculer. Sinon, il rejoindra cette longue liste de figures déchues, tombées dans les travers qu’elles dénonçaient hier. La rupture, la vraie, commence par l’exemplarité. Pas par les excuses familiales.
Aux nouveaux dirigeants : gardez le cap que vous avez promis. La confiance du peuple n’est pas acquise ; elle se mérite, chaque jour. Aux citoyens : restez vigilants, exigeants. N’ayez pas peur de critiquer ceux que vous avez portés au pouvoir. La démocratie meurt dans le silence.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Boubacar Diop.
Mis en ligne : 25/06/2025
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