Le communiqué officiel du Conseil des ministres du 25 juin 2025 égrène, comme un chapelet sans fin, les nouvelles nominations décidées par le président Bassirou Diomaye Faye : justice, intérieur, santé, agriculture, micro-finance… La liste ressemble davantage à un grand remaniement qu’à un simple ajustement technique. Ces mouvements frénétiques minent la cohérence administrative, affaiblissent la continuité des politiques publiques et risquent de replonger le pays dans les errements que le nouveau régime prétendait combattre.
Quinze mois après l’installation du gouvernement issu de la victoire de la coalition Diomaye–Sonko, le Palais multiplie encore les redistributions de postes. Pourtant, la nouvelle majorité avait promis une rupture nette avec la valse des nominations politiques qui a marqué la fin de l’ère Macky Sall. En avril 2025, une première vague de réajustements avait été présentée comme un simple ajustement technique. Mais les nominations s’enchaînent désormais à un rythme qui fragilise la structure de l’administration publique.
Les 34 décisions actées ce mercredi touchent des structures stratégiques : hôpitaux de référence (Le Dantec, Dalal Jamm, Thiaroye), agences agricoles (ISRA, ANIDA), directions régionales partout sur le territoire. Un tel séisme bureaucratique signifie : nouvelles équipes à briefer, procédures à ré-apprendre, contrats à réviser, audits à reprendre. Les organisations internationales identifient d’ailleurs les changements brusques de personnel comme l’une des premières causes de retard de démarrage des projets financés. Autrement dit, chaque signature fraîchement apposée aujourd’hui reporte l’exécution concrète sur le terrain de plusieurs mois, voire de plusieurs années.
La preuve par l’échec : le programme PRODAC, lancé en grande pompe pour insérer les jeunes dans des domaines agricoles, s’est enlisé après une succession de directeurs et d’inspecteurs. Résultat : 29,6 milliards CFA mal gérés, des sites laissés en friche et une jeunesse toujours sans emploi.
Le Dantec, chantier à l’arrêt : faute de gouvernance stable, la reconstruction du plus vieil hôpital du pays a accumulé trois ans de retard et forcé un déménagement aussi coûteux que douloureux pour les patients
Le précédent régional : au Nigeria, la multiplication des remaniements ministériels a paralysé les réformes sociales, aggravé la crise du coût de la vie et suscité des manifestations meurtrières.
La facture macro-économique : le FMI rappelle que l’instabilité politique reste un risque majeur pour la trajectoire budgétaire sénégalaise. En remuant sans cesse le puzzle administratif, le pouvoir sape la prévisibilité exigée par les investisseurs et les bailleurs.
Au Kenya, les va-et-vient à la tête du ministère de l’Agriculture ont compromis la stratégie de sécurité alimentaire, poussant le PAM à intervenir d’urgence : même symptôme, mêmes dégâts. Partout, la leçon est identique : sans stabilité des équipes, aucune politique pluri-annuelle n’atteint ses objectifs.
Trop, c’est trop. Les Sénégalais n’ont pas élu un chef d’orchestre pour assister à une éternelle répétition générale. Ce gouvernement doit geler immédiatement les nominations non essentielles, publier un calendrier clair de rotation des postes et soumettre chaque changement à un contrôle parlementaire renforcé. Faute de quoi, les promesses de rupture ne seront qu’un slogan, et l’administration publique deviendra un champ de ruines bureaucratiques.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Paul Sagna.
Mis en ligne : 26/06/2025
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