Un pas en arrière pour les Etats du Sahel : Rupture AES-Cedeao - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Afrique | Par Eva | Publié le 30/06/2025 03:06:45

Un pas en arrière pour les Etats du Sahel : Rupture AES-Cedeao

Le dernier sommet de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), tenu le 15 décembre à Abuja, marque une étape lourde de conséquences pour la région avec la rupture AES-CEDEAO : le départ acté du Mali, du Burkina Faso et du Niger, désormais membres fondateurs de l’Alliance des États du Sahel (AES). Cette rupture, annoncée comme une décision « irréversible » par les dirigeants putschistes, ouvre une période de transition de six mois avant la sortie officielle en janvier 2025.

Mais au-delà de l’aspect factuel, c’est la stratégie et la vision politique de ces dirigeants sahéliens qui doivent être sérieusement interrogées. Leur choix d’isolement sonne comme un acte impulsif, dépourvu de la clairvoyance nécessaire face aux enjeux cruciaux auxquels ils font face.

Depuis plusieurs années, le Sahel est plongé dans une crise sécuritaire et politique majeure, avec la montée des groupes djihadistes, l’instabilité institutionnelle et la fragilité économique. La CEDEAO, malgré ses limites, a toujours représenté un cadre régional essentiel pour promouvoir la paix, la gouvernance démocratique, et le développement économique. Face aux coups d’État militaires au Mali, au Burkina Faso et au Niger, la CEDEAO a adopté des sanctions et des exigences visant un retour rapide à l’ordre constitutionnel. Cette position ferme a suscité le rejet radical des juntes, qui ont opté pour la création de l’AES et le départ annoncé de la CEDEAO.

Cette décision des dirigeants du Sahel, incarnant la rupture AES-Cedeao, est avant tout un choix politique symbolique, sans véritable alternative crédible. Se couper de la CEDEAO, c’est rompre avec une organisation qui a construit au fil des décennies des mécanismes d’intégration économique, sociale et sécuritaire essentiels.

Certes, les putschistes reprochent à la CEDEAO son attachement à la gouvernance démocratique et dénoncent une supposée mainmise française sur l’organisation. Mais cette posture idéologique ne masque pas un profond manque de vision stratégique. En choisissant l’isolement, ces régimes fragilisent leur propre avenir, privant leurs peuples des avantages d’une coopération régionale indispensable dans un espace marqué par l’interdépendance économique et les menaces transnationales.

Les impacts directs de cette rupture AES-Cedeao pour les citoyens pourraient être limités à court terme, grâce au maintien de liens économiques via l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Mais cette séparation politique laisse planer une incertitude sur la stabilité et la sécurité régionales. La coopération militaire, déjà faible dans la CEDEAO, risque d’en pâtir alors que la lutte contre le terrorisme sahélien exige au contraire une coordination renforcée. La période de transition prévue ne doit pas masquer le fait que ces dirigeants ont mis de côté le long terme au profit d’une affirmation de pouvoir à court terme.

Le choix de quitter la CEDEAO est un pari dangereux. En s’excluant de l’espace politique ouest-africain, les dirigeants de l’AES risquent l’isolement international et régional, la perte d’accès aux aides et investissements, et une dégradation de la situation sécuritaire. L’histoire africaine offre plusieurs exemples où les ruptures brutales avec des structures régionales ont conduit à l’appauvrissement et à la marginalisation. Le cas de la Somalie dans la Corne de l’Afrique ou les divisions au sein de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) illustrent combien le repli peut être contre-productif.

Il est d’autant plus regrettable que cette décision intervienne alors que la CEDEAO, malgré ses défauts, cherche à adapter ses mécanismes pour inclure davantage les réalités sahéliennes, notamment par la médiation du président sénégalais Bassirou Diomaye Faye et du Togolais Faure Gnassingbé. Ces efforts, loin d’être parfaits, témoignent d’une volonté de dialogue et de recherche d’équilibre. L’AES, en s’en éloignant, se prive de cette chance de changement progressif et de construction commune.

Le départ du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la CEDEAO est une erreur politique majeure. En agissant sans vision stratégique ni prise en compte des intérêts à long terme de leurs peuples, les dirigeants de l’AES sacrifieront la coopération régionale et l’avenir socio-économique de leurs États. Cette décision, loin d’être une force, pourrait devenir un facteur d’isolement, d’instabilité et d’appauvrissement.

Ces régimes militaires doivent reconsidérer leur position, cesser l’impulsivité et s’engager dans un dialogue constructif. L’avenir du Sahel, fragile et menacé, passe par la solidarité régionale, pas par la division. Ceux qui prétendent vouloir défendre leur peuple doivent d’abord faire preuve de maturité politique et de responsabilité. La CEDEAO n’est pas parfaite, mais la quitter ainsi, c’est choisir la voie de la régression et du risque.

Article opinion écrit par le créatrice de contenu : Ousmane Gueye.
Mis en ligne : 30/06/2025

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