L’Afrique toujours dans l’attente : Réforme du Conseil de sécurité de l’ONU - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Afrique | Par Eva | Publié le 01/07/2025 02:07:45

L’Afrique toujours dans l’attente : Réforme du Conseil de sécurité de l’ONU

L’annonce récente du soutien américain à l’octroi de deux sièges permanents au Conseil de sécurité de l’ONU pour des pays africains a suscité une vague d’enthousiasme dans certains cercles diplomatiques du continent. Cette déclaration, faite quelques jours avant l’ouverture de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York, semble enfin répondre à une revendication vieille de plus de trois décennies.

Toutefois, en dépit des apparences, cette réforme reste largement prématurée. Sous couvert d’ouverture et d’inclusivité, elle risque au contraire d’aggraver les tensions intra-africaines, de créer des déséquilibres supplémentaires au sein de l’ONU et de maintenir l’Afrique dans un rôle de figurant diplomatique, incapable de parler d’une seule voix.

La principale faiblesse de cette réforme réside dans l’incapacité des pays africains à s’accorder sur les bénéficiaires de ces éventuels sièges permanents. Plusieurs États sont souvent cités : l’Afrique du Sud, le Nigeria, l’Éthiopie, l’Algérie, le Maroc. Chacun met en avant ses propres arguments, taille démographique, influence régionale, engagement dans les opérations de paix, stabilité institutionnelle, sans qu’un compromis ne se dégage. Cette absence d’unité reflète des rivalités historiques, linguistiques, géopolitiques et religieuses profondément enracinées. En l’état actuel, ajouter deux sièges pour l’Afrique reviendrait à attiser ces tensions au lieu de renforcer la position collective du continent sur la scène internationale.

Le soutien des États-Unis à cette initiative ne doit pas être perçu comme un acte désintéressé. Il intervient dans un contexte de recomposition diplomatique mondiale, où Washington cherche à regagner du terrain sur le continent africain, notamment après avoir été critiqué pour son alignement sur Israël dans le conflit à Gaza. Cette volonté de réengagement, également motivée par la rivalité avec la Chine, ne garantit en rien une réelle volonté de transformation des structures onusiennes. Au contraire, elle semble davantage guidée par le calcul stratégique que par une volonté de justice ou de reconnaissance de la contribution africaine à la paix mondiale.

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La proposition américaine ne prévoit aucun droit de veto pour les nouveaux membres africains. Or, c’est précisément ce privilège qui fonde la puissance réelle des membres permanents du Conseil. Offrir un siège sans ce levier décisionnel revient à octroyer un statut ornemental, une « participation de seconde zone », pour reprendre les termes du président sud-africain Cyril Ramaphosa. Cette réforme créerait ainsi une hiérarchie absurde entre membres permanents à deux vitesses, compliquant davantage le fonctionnement du Conseil de sécurité de l’ONU sans en augmenter l’efficacité ni la légitimité.

L’ONU n’en est pas à sa première tentative de réforme structurelle. En 2005 déjà, le G4 (Allemagne, Japon, Brésil, Inde) réclamait une extension du Conseil. Ces demandes ont systématiquement échoué, en raison des blocages politiques et du besoin d’un consensus à la fois à l’Assemblée générale et au sein du Conseil de sécurité de l’ONU . L’Afrique, aujourd’hui, reproduit les mêmes écueils : une absence de coordination continentale, une méfiance mutuelle entre grandes puissances régionales, et un désintérêt global des membres permanents à partager leur pouvoir. Dans ce contexte, relancer le débat sans que les fondamentaux aient changé relève de l’illusion politique.

Enfin, vouloir intégrer l’Afrique au Conseil de sécurité de l’ONU alors que ses institutions régionales peinent elles-mêmes à asseoir leur crédibilité et leur efficacité semble mal avisé. L’Union africaine est encore loin d’avoir un poids diplomatique unifié. Le continent est miné par des coups d’État, des guerres civiles et des ingérences étrangères. Avant de réclamer des sièges à l’ONU, il conviendrait d’abord de renforcer les mécanismes continentaux de gouvernance, de médiation et de diplomatie. Sinon, l’Afrique risque de se retrouver au cœur d’un jeu de pouvoir mondial qu’elle ne maîtrise pas.

Si la reconnaissance du rôle croissant de l’Afrique dans les affaires mondiales est légitime, la réforme actuelle du Conseil de sécurité de l’ONU paraît précipitée, confuse et peu structurante pour le continent. Sans consensus africain sur les États à représenter, sans droit de veto, et sans transformation profonde des équilibres de l’ONU, ce projet risque de renforcer les fractures internes plutôt que de porter la voix de l’Afrique. Mieux vaudrait consolider d’abord l’unité continentale avant de chercher à occuper des sièges qui, sans pouvoir réel, ne seront que symboliques.

Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Salima Diarra.
Mis en ligne : 01/07/2025

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Franciss
On nous a vendu que des rêves
Le 2025-07-01 15:49:06

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