À Séville, lors d’un panel de haut niveau sur le multilatéralisme, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a livré une analyse lucide des tensions géopolitiques actuelles, notamment le conflit Israël-Iran. Il a déploré la marginalisation de l’ONU dans la gestion des crises, au profit d’initiatives bilatérales dictées par les intérêts des grandes puissances. Un discours cohérent, ambitieux, mais malheureusement insuffisant face aux réalités d’un monde dominé par les rapports de force.
Il ne suffit plus de dénoncer, encore faut-il agir. Face à l’inaction endémique du système multilatéral, les prises de parole, même bien articulées, restent de simples incantations si elles ne sont pas suivies d’actes tangibles.
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le multilatéralisme s’est construit autour de l’ONU et de quelques institutions dominées par les vainqueurs d’hier. Le Conseil de sécurité et son droit de veto permanent en sont les symboles les plus flagrants. Ainsi, cinq États, États-Unis, Chine, Russie, Royaume-Uni et France, dictent encore les lignes rouges de la paix mondiale. Ce système est aujourd’hui à bout de souffle.
Le président Diomaye Faye a raison d’en souligner les limites. Lorsque des États puissants justifient des frappes préventives sur d’autres nations en invoquant une menace potentielle, ils sapent les fondements mêmes du droit international. Et lorsque l’ONU reste silencieuse ou impuissante, c’est l’idée même de coopération internationale qui s’effondre.
Il faut dire les choses clairement : le multilatéralisme ne pèse plus dans les décisions cruciales. Les grandes puissances le contournent allègrement lorsqu’il ne sert pas leurs intérêts. Elles imposent des coalitions ad hoc, passent des accords bilatéraux et bafouent les résolutions de l’ONU.
En Afrique comme ailleurs, les États subissent cette injustice sans véritable levier d’action. Les discours bienveillants, aussi nobles soient-ils, ne suffisent plus. Car pendant que certains appellent à « réinventer la coopération », d’autres envoient des missiles et redessinent les rapports de domination.
Prenons l’exemple du conflit en Ukraine. Malgré les discours indignés et les résolutions successives, le Conseil de sécurité reste bloqué, impuissant face à la Russie. Idem pour Gaza, la Syrie ou le Yémen. Le multilatéralisme est devenu un théâtre où se jouent des drames que personne ne veut ou ne peut empêcher. Le contraste est saisissant entre les idéaux affichés et la réalité brutale des intérêts.
Face à cette impasse, le monde dit « faible » doit cesser de se contenter d’un rôle de spectateur ou de victime. Il faut créer un véritable contre-pouvoir collectif capable de peser sur la scène internationale, notamment à travers l’Union africaine, les BRICS élargis ou des alliances stratégiques Sud-Sud.
Le Sénégal, et au-delà, l’Afrique, gagneraient à sortir du seul registre diplomatique pour proposer des mécanismes d’action concrets : initiatives régionales de médiation, fonds africain de prévention des conflits, plateforme continentale de diplomatie proactive… Les solutions doivent être à la hauteur des menaces.
Le diagnostic posé par le président Diomaye Faye est pertinent. Mais il faut aller plus loin. Les appels à un multilatéralisme plus inclusif ne suffiront pas à inverser des logiques profondément ancrées. Tant que les nations faibles se contenteront de discours, les puissants continueront d’agir selon leurs propres règles.
Il faut abandonner les illusions. Un monde de paix ne se construira pas sur des vœux pieux mais sur un rapport de forces nouveau, pensé, construit et imposé par ceux qui en sont aujourd’hui exclus. Assez parlé : agissons.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Jean Alexandre.
Mis en ligne : 03/07/2025
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