Le récent projet de réforme des cautions de loyer, porté par le directeur général de la Caisse de dépôt et de consignations (CDC), Fadilou Keita, suscite un débat aussi légitime que nécessaire. Présentée comme une initiative ambitieuse pour protéger les locataires et assainir le marché immobilier, cette proposition vise à centraliser les cautions de loyers auprès de la CDC, au lieu de les verser directement aux bailleurs.
Si l’intention semble louable, cette réforme, en apparence protectrice, pourrait engendrer plus de complexité que de solutions. Elle risque surtout de porter préjudice aux propriétaires et de créer une bureaucratie contre-productive dans un secteur déjà fragile.
Il est indéniable que le marché immobilier sénégalais souffre de nombreuses dérives. Les loyers exorbitants, les exigences abusives de certains bailleurs et les pratiques opaques de certains courtiers sont des réalités vécues, notamment à Dakar. Cependant, est-ce réellement à l’État de se substituer aux acteurs du secteur privé pour en réguler chaque transaction ? La ligne est fine entre régulation et ingérence.
Le projet présenté par la CDC repose sur une vision unilatérale de la relation locataire-bailleur, dépeignant systématiquement ce dernier comme l’abuseur et le locataire comme la victime. Or, la réalité est bien plus nuancée. De nombreux propriétaires subissent des impayés, des dégradations importantes ou des départs imprévus, sans recours rapide. Dans ce contexte, la caution représente une forme minimale de sécurité. Imposer le dépôt à un organisme tiers va affaiblir cette garantie, compliquer les démarches et introduire un acteur supplémentaire, avec les lenteurs et tracasseries administratives que cela implique.
La centralisation des dépôts de caution à la CDC ne manquera pas d’introduire de nouveaux délais. En l’absence de mécanismes efficaces, le traitement des litiges pourrait devenir plus long, plus complexe et plus coûteux. Une location, qui pouvait se conclure en quelques jours, pourrait désormais nécessiter des semaines d’attente, des formulaires multiples, voire une validation administrative de la restitution des fonds. Cette surcharge procédurale risque d’étouffer l’agilité du marché locatif, décourageant les bailleurs d’investir dans la location ou les incitant à contourner le système.
Ce projet s’inscrit dans une tendance inquiétante : celle d’un interventionnisme croissant de l’État dans les relations contractuelles privées. Or, la liberté contractuelle est un principe fondamental dans une économie de marché. À trop vouloir encadrer, réglementer, contrôler, l’État risque de déresponsabiliser les acteurs et de tuer la dynamique du marché immobilier. Le rôle des institutions publiques doit être de fixer un cadre général équitable, non de devenir partie prenante dans chaque transaction.
Dans plusieurs pays, des mécanismes de caution équitables existent sans intervention directe de l’État. En France, par exemple, des agences de garantie locative privées ou publiques encadrent les dépôts sans en détourner la gestion. En Afrique de l’Ouest, le Ghana ou la Côte d’Ivoire s’appuient plutôt sur des régulations souples et incitatives que sur des dispositifs centralisés. Pourquoi le Sénégal ferait-il le choix de la lourdeur administrative ?
Derrière une intention de justice et de transparence, la réforme proposée par la CDC risque de freiner le dynamisme du marché locatif sénégalais. En imposant une centralisation des cautions de loyer, elle déséquilibre la relation bailleur-locataire, crée une bureaucratie inutile et ouvre la porte à de nouveaux blocages. Le bon sens commande de favoriser le dialogue, la médiation et la responsabilisation des parties, plutôt qu’une intervention étatique excessive. Les autorités doivent faire confiance aux citoyens pour gérer leurs affaires, plutôt que de vouloir tout diriger.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Médoune Sarr
Mis en ligne : 05/07/2025
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