De plus en plus de jeunes Sénégalais s’éloignent de leurs traditions culturelles, comme en témoigne l’abandon progressif de la célébration de la Tamkharite et de rituels tels que le « Tajabone ». Ce recul des pratiques ancestrales ne devrait pas simplement susciter la nostalgie, mais surtout l’inquiétude, tant il illustre une érosion de notre identité culturelle.
En toute franchise, cette évolution n’est ni anodine ni inévitable : elle est le fruit direct d’une modernisation mal pensée et d’une globalisation qui étouffent les richesses locales.
Le Tajabone, autrefois célébré avec enthousiasme dans les ruelles sénégalaises, semble aujourd’hui relégué au rang de vieillerie, voire de mascarade. Jadis moment de liesse, d’unité et de transmission, cette tradition est désormais ignorée par une grande partie de la jeunesse, fascinée par les standards culturels venus d’ailleurs. Un jeune interrogé dans un récent article ne cache d’ailleurs pas son dédain : « Le Tajabone ? Non je ne suis pas dans ça, c’est dépassé! ». Cette phrase, anodine en apparence, est en réalité révélatrice d’un malaise profond : le rejet assumé de nos propres racines.
Il ne s’agit pas ici de condamner le progrès ou l’ouverture au monde. Il serait absurde de croire que la culture doit rester figée. Mais ce que nous vivons aujourd’hui n’est pas une simple évolution, c’est une rupture brutale, un abandon pur et simple. En embrassant les modes de vie étrangers, la société sénégalaise semble tourner le dos à ce qui faisait sa singularité. Le mimétisme culturel, alimenté par les réseaux sociaux, les séries étrangères, les modes de consommation occidentales, pousse les jeunes à renier ce qui, pendant des siècles, a forgé leur identité.
L’article évoque plusieurs pratiques liées à la Tamkharite : le bol renversé pour les esprits, le couscous pour les anges, le khôl (« Tousngueul ») aux vertus mystiques. Autant de gestes symboliques qui, loin d’être de simples superstitions, portaient en eux une sagesse, un lien à l’invisible, une façon d’éduquer et d’émerveiller. Mais aujourd’hui, ces gestes sont tournés en dérision, jugés ridicules ou « dépassés ». Est-ce parce qu’on ne prend plus le temps d’en expliquer le sens profond ? Ou est-ce parce qu’on a cessé d’en être fiers ?
Dans d’autres pays comme le Japon ou l’Inde, malgré leur haut niveau de développement technologique, les traditions sont jalousement préservées. Les jeunes y participent activement aux rituels, aux fêtes, aux récits transmis par les anciens. Pourquoi le Sénégal devrait-il choisir entre être moderne et être enraciné ? Ne pouvons-nous pas bâtir une société moderne nourrie de ses traditions plutôt que de les sacrifier sur l’autel de la mondialisation ?
L’oubli du Tajabone n’est pas un fait anodin. Il annonce une perte de repères plus large, un appauvrissement de l’imaginaire collectif. Les parents, les éducateurs, les artistes, les leaders communautaires doivent se lever pour dire : assez. Il faut redonner du sens à nos rites, les réinterpréter si nécessaire, mais surtout les transmettre.
La tradition n’est pas un fardeau, c’est une boussole. Abandonner le Tajabone et autres coutumes, c’est accepter d’effacer les pages de notre histoire, une à une. Il ne s’agit pas de rejeter la modernité, mais de s’assurer qu’elle ne nous dénature pas. Faisons le choix de résister à la dilution culturelle. Pour que demain, nos enfants aient encore des histoires à raconter et des chants à entonner.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Fallou Fall.
Mis en ligne : 09/07/2025
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