Lors de sa récente intervention, Ousmane Sonko a exprimé, avec la fermeté qu’on lui connaît, un profond malaise vis-à-vis de la justice sénégalaise. Ces déclarations ont aussitôt suscité une levée de boucliers, notamment celle de Me Aïssata Tall Sall, qui n’a pas hésité à qualifier les propos du Premier ministre de dangereux et de destructeurs pour l’institution judiciaire. Mais dans cette indignation outrée, il semble que la mémoire politique soit bien courte, voire volontairement sélective.
Comment ne pas comprendre l’exaspération d’Ousmane Sonko, quand on se remémore les dérives autoritaires de l’ancien régime ? Annulation de l’élection présidentielle de 2024 dans un contexte de tension extrême, arrestation et emprisonnement arbitraires de tous les responsables du parti PASTEF, dissolution pure et simple dudit parti, saccage de ses locaux, arrachage de ses affiches, coupure des signaux de presse indépendantes, blocage d’Internet et de TikTok, tout cela constitue un cocktail explosif d’atteintes graves aux libertés fondamentales.
Dans le même élan répressif, des magistrats du Conseil constitutionnel ont été accusés, preuves et circonstances à l’appui, de partialité, voire de compromission. Le juge Sabassy de Ziguinchor a même été ouvertement ciblé pour avoir respecté la légalité. Faut-il alors s’étonner que le Premier ministre, aujourd’hui en position d’agir, refuse de tourner la page d’une justice instrumentalisée à outrance ?
Que Me Aïssata Tall Sall se permette de rappeler la nécessité de préserver la confiance dans la justice aurait pu être salutaire… si elle ne s’était pas elle-même compromise par le passé. Car où était sa voix lorsque des opposants croupissaient en prison sans procès équitable ? Quand la justice servait à éliminer des adversaires politiques ? Quand les libertés d’expression et de presse étaient piétinées ? Le silence de Me Sall fut alors assourdissant. L’indignation actuelle ressemble donc plus à un calcul politique qu’à une défense sincère des institutions.
Le Sénégal n’est pas un cas isolé. Dans de nombreux pays africains, des opposants ont été réduits au silence par des moyens pseudo-légaux : en Guinée sous Alpha Condé, au Tchad après la mort de Déby père, ou encore au Gabon. Et à chaque fois, une justice complice ou muselée a servi de bras armé. Le Sénégal a malheureusement frôlé ce basculement, et c’est précisément cela que dénonce Sonko.
Oui, la justice est un fil fin qui tient la République. Mais ce fil a été gravement abîmé par l’ancien régime, et continuer à faire comme si tout allait bien serait une insulte à l’intelligence collective des Sénégalais. Il ne s’agit pas de détruire la justice, mais de la réformer, de la nettoyer, de la libérer. Ceux qui ont participé à son instrumentalisation n’ont aucune leçon à donner aujourd’hui.
Le Sénégal a besoin d’une justice indépendante, équitable et digne de la République. Mais cette exigence passe d’abord par une reconnaissance sincère des abus passés. Ousmane Sonko n’a pas attaqué la justice : il a mis le doigt là où ça fait mal. Et ce malaise, c’est celui d’un peuple qui réclame vérité, équité et fin de l’impunité. Que ceux qui ont fermé les yeux hier aient la décence de se taire aujourd’hui.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Seydina Sow.
Mis en ligne : 13/07/2025
—
La plateforme NOTRECONTINENT.COM permet à tous de diffuser gratuitement et librement les informations et opinions provenant des citoyens. Les particuliers, associations, ONG ou professionnels peuvent créer un compte et publier leurs articles Cliquez-ici.