Des promesses sans lendemain : Coopération militaire Sénégal-Tunisie - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Business | Par Eva | Publié le 17/07/2025 01:07:00

Des promesses sans lendemain : Coopération militaire Sénégal-Tunisie

Le vendredi dernier, le général Birame Diop, ministre sénégalais des Forces armées, s’est rendu à Tunis pour une rencontre officielle avec son homologue tunisien Khaled Shili. Selon un communiqué officiel tunisien relayé par plusieurs médias, les deux responsables ont affiché leur volonté de renforcer la coopération militaire entre le Sénégal et la Tunisie en insistant notamment sur la formation, le partage d’expertises et la signature d’un cadre juridique censé structurer ces échanges.

Tout cela s’inscrit dans le cadre d’une conférence internationale sur la construction de la confiance entre armées et populations civiles, organisée en partenariat avec l’ONU.

Si ce tableau officiel peut sembler porteur d’espoir, il faut bien reconnaître que cette nouvelle réunion entre militaires africains est, au fond, un énième épisode d’un théâtre diplomatique stérile, déconnecté des besoins réels de nos peuples et de la paix durable. Loin d’être un véritable levier pour la sécurité et la stabilité, ces rendez-vous ressemblent trop souvent à des gesticulations symboliques, qui diluent les responsabilités et masquent une absence criante de résultats concrets.

Le contexte sécuritaire en Afrique reste alarmant, entre menaces terroristes, trafics transnationaux, conflits internes et montée de la violence. Le Sénégal, même s’il bénéficie d’une stabilité relative, n’échappe pas aux défis sécuritaires, notamment dans sa zone frontalière sahélienne. La Tunisie, quant à elle, est confrontée à une instabilité post-révolutionnaire aggravée par des défis terroristes et sociaux.

Face à ces situations, la coopération militaire devrait être un vecteur essentiel d’échange d’expertise, d’entraînement opérationnel et d’interventions coordonnées. Or, depuis des décennies, la plupart des rencontres entre responsables militaires africains s’enlisent dans des déclarations d’intention creuses et des promesses non suivies d’effets.

Le communiqué officiel souligne la volonté « d’explorer de nouveaux domaines stratégiques » et de « consolider les relations à travers un cadre juridique structurant ». Ces expressions diplomatiques, bien que valorisantes sur le papier, ne disent rien des difficultés concrètes rencontrées : manque de moyens financiers, disparités dans les capacités opérationnelles, absence de volonté politique réelle pour mettre en œuvre des plans coordonnés.

Historiquement, la coopération militaire entre pays africains, qu’il s’agisse du Sénégal et de la Tunisie ou d’autres, a souffert d’un manque d’implication sérieuse. Des dizaines de sommets et de rencontres ont été organisés, mais les frontières restent poreuses aux trafics illicites, les groupes armés non démantelés, et les populations civiles continuent de vivre dans la peur et la précarité.

À titre d’exemple, plusieurs coopérations similaires en Afrique de l’Ouest, notamment entre le Burkina Faso, le Niger et le Mali, ont connu des années de réunions et d’accords multilatéraux sans que cela n’empêche l’escalade des violences. La multiplication des cadres juridiques et des protocoles n’a pas eu d’impact tangible sur la sécurité au sol.

Au-delà du simple affichage diplomatique, le vrai défi réside dans le renforcement des capacités nationales, le développement socio-économique et la résolution politique des conflits sous-jacents. Miser uniquement sur une coopération militaire bilatérale ou multilatérale, sans transformation profonde des institutions, est une fuite en avant.

Par ailleurs, ces rencontres donnent l’impression d’une Afrique où la sécurité reste l’apanage d’une élite militaire et politique, déconnectée des attentes populaires. La population civile, pourtant première victime de l’insécurité, est reléguée au second plan, réduite à un rôle symbolique évoqué dans des slogans consensuels comme « bâtir une confiance mutuelle ». La réalité est que la confiance s’acquiert sur le terrain, par des actions concrètes et transparentes, pas dans des déclarations lors de conférences internationales.

Il faut que le Sénégal et la Tunisie, comme tous les pays africains, abandonnent ces gesticulations diplomatiques sans lendemain. Le renforcement des forces armées ne doit pas être un simple effet d’annonce. Il doit être lié à une véritable stratégie intégrée qui associe les forces militaires à la protection des droits humains, au développement économique, à la justice sociale, et surtout à une responsabilisation réelle des dirigeants.

Le grand public, souvent spectateur passif de ces rencontres, doit exiger des engagements clairs, des plans d’action chiffrés, et surtout des résultats palpables sur le terrain. Il faut rompre avec cette habitude des déclarations creuses et réclamer une vraie coopération qui transforme réellement la vie des populations et non une succession d’effets d’annonce.

Le temps des discours vides est révolu : place à l’action concrète, à la transparence et à la redevabilité. Sinon, ces rencontres militaires ne resteront que des symboles vides, qui nourrissent l’illusion d’un progrès inexistant et détournent l’attention des véritables défis sécuritaires et sociaux que nos pays doivent affronter.

Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Amy Touré.
Mis en ligne : 17/07/2025

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Ousmane
Que des beau parleur
Le 2025-07-17 16:07:41

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