Le ministre oublie l’essentiel : Réformes de l’enseignement supérieur - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Education | Par Eva | Publié le 23/07/2025 11:07:45

Le ministre oublie l’essentiel : Réformes de l’enseignement supérieur

Lors d’un déjeuner de presse tenu récemment, le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Dr Abdourahmane Diouf, a dévoilé les grandes lignes de l’Agenda national de transformation de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (ANTESRI). Présenté comme une réforme de fond sur 25 ans, cet ambitieux plan vise à refonder le paysage universitaire sénégalais. Mais derrière cette vision stratégique, une question essentielle demeure : avec quels moyens ? À l’aune de la situation actuelle, ces réformes de l’enseignement supérieur, aussi noble soit-elle, semble déconnectée des réalités matérielles et humaines du système universitaire sénégalais.

Aujourd’hui, le Sénégal compte près de 286 169 étudiants pour seulement 2 495 enseignants-chercheurs. Ce simple ratio révèle une surcharge pédagogique chronique, nuisant à la qualité de l’enseignement. Les infrastructures sociales sont elles aussi à la peine : seulement 26 567 lits pour plus d’un quart de million d’étudiants, et 2 804 places en bibliothèque pour tout le pays.

Ce sont là des chiffres inquiétants, qui illustrent un sous-investissement structurel dans l’enseignement supérieur depuis des décennies. Le dispositif d’accompagnement peine déjà à répondre aux besoins essentiels des étudiants.

Le ministre insiste sur une transformation sur 25 ans. Une perspective de long terme qui semble évacuer l’urgence actuelle. Si les intentions sont louables, réformes structurelles, développement des infrastructures, recrutement d’enseignants, intégration du numérique, elles ne s’accompagnent d’aucune mesure concrète de financement, ni de calendrier précis. L’Agenda se veut transformationnel, mais il reste flou, théorique, presque incantatoire. Face à des besoins criants, les promesses à l’horizon 2050 paraissent bien lointaines.

Dr Diouf a reconnu lui-même une carence préoccupante dans la formation des ingénieurs : seulement 800 formés par an. Ce chiffre est dérisoire pour un pays qui veut se positionner comme acteur industriel et technologique en Afrique de l’Ouest. Pourquoi, alors, ne pas commencer par un plan de redressement intensif de ces filières spécifiques, avec des objectifs chiffrés, des investissements urgents et un accompagnement immédiat des établissements concernés ?

Des pays comme le Maroc ou le Rwanda ont entrepris des réformes de l’enseignement supérieur, certes progressives, mais basées sur des résultats concrets à court terme : création accélérée d’instituts techniques, augmentation du budget de la recherche, partenariats stratégiques avec le secteur privé. À l’inverse, l’ANTESRI semble éluder la question cruciale de l’allocation immédiate des ressources et de la montée en capacité rapide du système.

On ne transforme pas un système malade avec des slogans ou des visions à très long terme. Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est un plan d’urgence. Un choc budgétaire. Une réorientation immédiate des ressources vers la construction d’infrastructures, le recrutement massif d’enseignants, et l’amélioration des conditions de vie et d’étude des étudiants. Sans cela, l’Agenda ne restera qu’un document de plus, perdu dans les tiroirs des grandes promesses jamais tenues.

Refonder l’enseignement supérieur est une nécessité. Mais pour qu’une telle réforme soit crédible, elle doit partir de la réalité actuelle : celle d’un système saturé, sous-financé, et à bout de souffle. Tant que les moyens concrets ne suivront pas, l’ANTESRI restera un horizon chimérique. Le Sénégal ne peut pas attendre 25 ans pour offrir à sa jeunesse un avenir digne. Il faut agir dès maintenant, avec des décisions fortes, des investissements immédiats et une volonté politique qui ne se contente pas de projeter, mais qui construit.

Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Mariama Cissé.
Mis en ligne : 23/07/2025

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