Le gouvernement sénégalais a récemment annoncé la signature d’un contrat renégocié avec la société saoudienne ACWA POWER pour la construction de l’usine de dessalement d’eau de mer de la Grande Côte. Ce projet, salué comme une avancée stratégique pour répondre aux besoins croissants en eau potable dans la région Dakar–Thiès–Mbour (DMT), semble en effet ambitieux et porteur d’espoir. Toutefois, malgré les efforts de renégociation sous la houlette du président Bassirou Diomaye Faye, les implications financières à long terme de ce projet restent préoccupantes.
Il est indéniable que la zone DMT concentre une part importante de la population et de l’activité économique du Sénégal. Le défi de l’accès à l’eau y est donc réel. L’usine de dessalement de la Grande Côte, censée produire à terme 400 000 m³/jour, s’inscrit dans une vision stratégique pour 2050, anticipant une demande en eau multipliée par quatre. Toutefois, au-delà de la pertinence du projet, c’est bien sa soutenabilité financière qui soulève des inquiétudes.
La renégociation du contrat a certes permis de faire baisser le prix du mètre cube d’eau dessalée, de 427 à 389,8 FCFA. De même, les engagements budgétaires de l’État seraient réduits à une fourchette allant de 17,5 à 35 milliards FCFA par an, contre 20 à 40 milliards précédemment. Mais même dans cette nouvelle configuration, il reste que le Sénégal s’engage dans une dépense annuelle lourde pour les prochaines décennies. À titre de comparaison, ces montants représentent l’équivalent ou plus que le budget annuel de certains ministères clés, comme ceux de la jeunesse ou de la culture.
Dans un pays où la dette publique dépasse déjà 70 % du PIB, un tel engagement interroge. Le financement de cette infrastructure implique potentiellement un endettement additionnel ou une réduction de la capacité d’investissement dans d’autres secteurs essentiels : éducation, santé, emploi des jeunes, lutte contre la pauvreté rurale. L’énergie solaire, bien que renforcée dans le projet (300 MWc), ne suffit pas à contrebalancer les coûts élevés de l’ensemble du dispositif.
Dans plusieurs pays, les projets de dessalement ont été accueillis avec prudence. En Afrique du Sud ou au Maroc, des initiatives similaires ont été lourdement critiquées pour leur coût de fonctionnement élevé, leur dépendance à la technologie étrangère et leur impact environnemental. Le dessalement reste une technologie complexe, nécessitant une maintenance constante, des compétences spécialisées et des pièces souvent importées. Cela renforce la dépendance extérieure, ce qui va à l’encontre de l’objectif d’autonomie prôné par le nouveau régime.
S’il est louable de répondre à la demande croissante en eau, le choix du dessalement de grande envergure apparaît comme un pari risqué pour le Sénégal. Le coût, même renégocié de l’usine de dessalement de la Grande Côte, demeure élevé, et les sacrifices budgétaires qui en découleront risquent d’entraver d’autres priorités nationales. Avant d’ériger de grandes infrastructures technologiques, il serait peut-être plus judicieux de renforcer les systèmes d’approvisionnement traditionnels, de lutter contre les pertes d’eau, et d’investir dans la gestion durable des ressources existantes.
Face à de tels engagements à long terme, la société civile, les parlementaires et les citoyens doivent exiger une transparence totale, une évaluation indépendante des coûts réels, et surtout, une vision cohérente de développement qui n’hypothèque pas l’avenir du pays au nom de solutions technologiques prestigieuses mais potentiellement ruineuses.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Aminata Ndoye.
Mis en ligne : 24/07/2025
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