Le groupe EDK, dirigé par l’homme d’affaires sénégalais Demba Ka, a récemment acquis les chaînes de supermarchés SUPECO et Carrefour au Sénégal. Présentée comme une étape majeure pour l’expansion du groupe dans la sous-région, cette transaction, négociée entre Dakar et Paris, est saluée comme une réussite économique nationale. Toutefois, derrière cette façade de réussite se cache une réalité plus préoccupante : cette concentration accrue dans le secteur de la distribution menace directement la concurrence et, par extension, le pouvoir d’achat et les droits des consommateurs.
Le Sénégal, à l’instar de plusieurs pays africains, cherche à favoriser l’émergence de champions nationaux dans des secteurs clés. Le groupe EDK, actif dans les hydrocarbures, la restauration et désormais la grande distribution, incarne cette ambition. Pourtant, l’entrée de ce groupe sur un segment aussi vital que celui de la distribution alimentaire, déjà marqué par des déséquilibres, doit être abordée avec prudence.
Carrefour et SUPECO, bien que d’origine étrangère, représentaient des alternatives commerciales qui ont introduit un certain équilibre concurrentiel dans le paysage sénégalais. Leur absorption par EDK risque d’ouvrir la voie à un quasi-monopole, où le contrôle des prix, de l’approvisionnement et du choix reviendrait à un nombre très restreint d’acteurs, voire à un seul.
En économie de marché, la concurrence est une force régulatrice essentielle. Elle garantit des prix compétitifs, encourage l’innovation et pousse les entreprises à améliorer la qualité de leurs services. En concentrant une partie significative du marché de la distribution entre les mains d’un seul groupe, on compromet ces avantages. Il est légitime de craindre une hausse des prix, une homogénéisation de l’offre, et une baisse de la qualité des services.
L’expérience d’autres pays africains est révélatrice : au Nigeria, par exemple, la domination de certains grands groupes dans la distribution a contribué à des abus de position dominante, à une pression accrue sur les petits producteurs, et à une fragilisation des circuits de distribution locaux. Le danger est que le Sénégal suive ce chemin.
Autre sujet d’inquiétude : le montant de la transaction n’a pas été divulgué. Ce manque de transparence, dans un secteur aussi sensible que celui de la distribution alimentaire, laisse planer le doute sur les conditions exactes de l’opération. Il faut que l’État joue son rôle de régulateur en mettant en place des garde-fous concrets pour éviter des abus de position dominante. À ce jour, rien n’indique que cela ait été envisagé.
L’enthousiasme autour de la montée en puissance du groupe EDK ne doit pas faire oublier que l’économie de marché repose sur un équilibre fragile. Lorsqu’un acteur devient trop puissant, ce sont les consommateurs qui en paient le prix. Il ne s’agit pas ici de contester la légitimité de la croissance d’EDK, mais d’exiger que celle-ci se fasse dans un cadre équitable, garantissant la diversité de l’offre, la concurrence saine, et la protection du consommateur.
Le Sénégal doit résister à la tentation de substituer une domination étrangère par une domination locale. Le vrai progrès économique réside dans l’ouverture, la diversité et la justice du marché, pas dans sa concentration.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Farba Diop.
Mis en ligne : 01/08/2025
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