Une tendance importée : TikTok et Instagram, des outils de changement - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Société | Par Eva | Publié le 03/08/2025 08:08:00

Une tendance importée : TikTok et Instagram, des outils de changement

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L’émergence récente de créateurs de contenu dédiés à la santé mentale sur TikTok et Instagram au Sénégal suscite un engouement certain. Ces influenceurs, psychologues, coachs ou simples “écoutants”, s’adressent principalement à une jeunesse urbaine, proposant des conseils, des analyses et une parole nouvelle sur des sujets longtemps tus dans notre société. Pourtant, derrière ce phénomène louable à première vue, il convient d’adopter un regard critique.

Cette nouvelle tendance, importée majoritairement des cultures occidentales, semble davantage s’inscrire dans une mode numérique que dans une réelle adaptation aux réalités sociales et culturelles sénégalaises.

Au Sénégal, la santé mentale demeure un sujet tabou, entouré de stigmatisation et d’incompréhensions. Face à l’absence d’une véritable offre institutionnelle de soin accessible et adaptée, les réseaux sociaux deviennent un substitut, parfois précaire. Cette situation alimente la popularité de contenus qui vulgarisent, certes, mais aussi parfois simplifient à l’excès des problématiques complexes, souvent déconnectées de nos pratiques traditionnelles de résilience sociale.

En effet, la plupart des discours véhiculés sur TikTok et Instagram proviennent d’un cadre occidental du développement personnel et de la psychologie, où l’individualisme, la verbalisation explicite de la douleur et la quête du bien-être personnel occupent une place centrale. Or, dans la société sénégalaise, les stratégies de gestion des souffrances reposent souvent sur des mécanismes collectifs, communautaires, voire spirituels, qui valorisent la discrétion, la solidarité familiale et l’harmonie sociale. Ces modes de gestion ancestraux ont permis de traverser les épreuves sans médiatisation émotionnelle et sans mise en avant individuelle, privilégiant le silence et l’endurance comme vertus.

Ce décalage intergénérationnel soulève une question cruciale : ces nouveaux discours numériques sur la santé mentale ne risquent-ils pas d’importer des modèles qui n’intègrent pas suffisamment nos spécificités culturelles ? Le risque est celui d’un soin mental « à la carte », façonné par les tendances globales du moment et le format court des réseaux sociaux, où la profondeur et la complexité sont sacrifiées au profit d’une émotionnalisation rapide. En outre, la forte médiatisation de ces contenus peut également banaliser ou « mode » le mal-être, sans créer un véritable espace de prise en charge professionnelle ni lutter efficacement contre la stigmatisation.

Loin de nier l’intérêt d’ouvrir le dialogue sur la santé mentale, il est indispensable que ce mouvement ne reste pas une importation superficielle. Il doit s’inscrire dans un dialogue véritable avec les savoirs locaux, valoriser les méthodes traditionnelles, et s’accompagner d’un renforcement des capacités institutionnelles et des services publics.

Par ailleurs, à l’échelle mondiale, de nombreuses sociétés non occidentales ont démontré que la santé mentale ne se réduit pas à une approche individuelle standardisée, mais doit intégrer culture, famille, spiritualité et collectif. Le Sénégal gagnerait à s’inspirer de ces expériences plutôt qu’à imiter sans adaptation les modèles importés.

Si TikTok et Instagram ouvrent un espace inédit pour parler de santé mentale au Sénégal, leur popularité ne doit pas masquer les limites culturelles et institutionnelles profondes. Ces plateformes numériques ne sauraient remplacer les mécanismes locaux de résilience ni pallier durablement le manque d’infrastructures spécialisées. Plutôt que de céder à une mode importée, il est urgent d’engager une réflexion sérieuse sur la manière d’allier modernité et tradition pour répondre efficacement au mal-être. Sans cela, nous risquons de voir fleurir un discours séduisant mais superficiel, qui passerait à côté des enjeux essentiels de notre société.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Anonyme.
Mis en ligne : 03/08/2025

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