Victoire en trompe-l’œil : Le peuple reste perdant - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Business | Par Eva | Publié le 04/08/2025 02:08:15

Victoire en trompe-l’œil : Le peuple reste perdant

Les opinions exprimées dans cet article sont celles d’un contributeur externe. NotreContinent.com est une plateforme qui encourage la libre expression, la diversité des opinions et les débats respectueux, conformément à notre charte éditoriale « Sur NotreContinent.com chacun est invité à publier ses idées »

Le député Guy Marius Sagna a récemment annoncé, avec enthousiasme, une hausse spectaculaire de la redevance audiovisuelle que doit désormais verser Canal+ au Sénégal : 9 % du chiffre d’affaires annuel, soit environ 4,5 milliards de FCFA pour 2024. Une mesure déjà révélée en août par le ministre de la Communication, Alioune Sall, et aujourd’hui saluée comme un tournant dans les relations entre l’État et les entreprises étrangères. Si cette décision est présentée comme une « avancée historique », il est important de nuancer cet optimisme et de s’interroger sur ses répercussions concrètes. Cette mesure, loin d’être une victoire pour le peuple, risque de peser lourdement sur le quotidien des ménages.

L’État sénégalais, sous la gouvernance de Bassirou Diomaye Faye et de son Premier ministre Ousmane Sonko, affiche une volonté forte de « restaurer la souveraineté économique ». Cela passe, entre autres, par une renégociation des conditions fiscales imposées aux grandes entreprises étrangères.

Canal+, acteur dominant dans le secteur de l’audiovisuel, était jusqu’ici soumis à une redevance dérisoire de 75 millions de FCFA par an. Multiplier ce montant par 60 peut sembler juste au regard du chiffre d’affaires réalisé localement. Mais cette décision soulève une question : à qui en reviendra réellement la facture ?

Sur le papier, exiger davantage d’une multinationale semble logique. Cependant, dans les faits, ce type d’augmentation est rarement absorbé par l’entreprise seule. Canal+ n’est pas une organisation philanthropique. Son objectif est le profit. Il est donc plus que probable que cette hausse de la redevance Canal+ soit directement répercutée sur les tarifs d’abonnement, affectant les centaines de milliers de Sénégalais abonnés aux services de la chaîne.

Aujourd’hui, un abonnement mensuel à Canal+ oscille déjà entre 5 000 et 40 000 FCFA, des prix qui grèvent sérieusement le budget des ménages, dans un contexte où le coût de la vie ne cesse de grimper : flambée des prix alimentaires, loyers étouffants, et charges sociales pesantes. Si les tarifs augmentent, de nombreuses familles seront contraintes de se désabonner, non pas par choix, mais par nécessité.

Dans plusieurs pays africains comme le Maroc ou la Côte d’Ivoire, les gouvernements ont négocié des contributions plus équilibrées avec les grands opérateurs, tout en veillant à ce que les consommateurs ne soient pas les premiers pénalisés. À vouloir trop imposer sans cadre d’accompagnement, on risque de pousser les entreprises à augmenter leurs tarifs ou à réduire leurs investissements dans le pays. Ce type de politique peut décourager d’autres groupes étrangers à s’implanter ou à rester, avec à la clé des pertes d’emplois et un affaiblissement de l’offre locale.

Cette décision a été habilement présentée comme un acte de justice économique. Mais le patriotisme économique ne doit pas être une justification pour alourdir la charge pesant sur les plus vulnérables. Le gouvernement doit anticiper les conséquences de ses choix. Plutôt que de se contenter d’un slogan « les entreprises doivent payer leur juste part », il aurait été plus pertinent d’imposer une régulation des tarifs ou une répartition intelligente de la nouvelle redevance au bénéfice direct des usagers par exemple via un soutien aux chaînes locales ou à la TNT gratuite.

Si l’État sénégalais a certes corrigé une aberration fiscale, il l’a fait sans prendre en compte l’impact réel sur les foyers. Il est facile de célébrer une victoire symbolique face à une multinationale. Il est plus difficile de mesurer ses conséquences sur les millions de Sénégalais qui, chaque mois, peinent à joindre les deux bouts. Cette redevance revalorisée doit être repensée avec une stratégie plus inclusive, sinon elle ne restera qu’un trophée politique… payé au prix fort par les citoyens.

Il faut exiger des mesures protectrices pour les consommateurs. Le peuple ne doit pas être le dindon de la farce d’un bras de fer entre État et entreprise.

Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Marème Sall.
Mis en ligne : 04/08/2025

La plateforme NOTRECONTINENT.COM permet à tous de diffuser gratuitement et librement les informations et opinions provenant des citoyens. Les particuliers, associations, ONG ou professionnels peuvent créer un compte et publier leurs articles Cliquez-ici.


Réagir à cet article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 commentaires

Réagir à cet article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 commentaires

Copyright © 2023 www.notrecontinent.com

To Top