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Alors que le Sénégal célèbre en grande pompe la Semaine nationale de l’allaitement maternel, les autorités de santé multiplient les discours sur les bienfaits de l’allaitement exclusif durant les six premiers mois de vie. Une intention noble sur le papier, mais en pratique, une opération de communication creuse et aveugle aux réalités que vivent les mères, en particulier les plus vulnérables.
Dans un pays où une large majorité de femmes travaille dans le secteur informel, sans protection sociale ni congé de maternité prolongé, comment peut-on sérieusement prôner l’allaitement exclusif sans se soucier des conditions réelles de sa mise en œuvre ? La montée de lait qui tarde, les bébés affamés, les mères épuisées, isolées et parfois culpabilisées : voilà la vérité du terrain que les institutions refusent de voir.
Les femmes reprennent souvent le travail quelques semaines après l’accouchement, dans les marchés, les maisons comme aides-ménagères ou les champs. Où sont les crèches ? Où sont les espaces d’allaitement ? Où est le soutien psychologique promis ? Aucune politique sociale concrète n’accompagne ces femmes. Et pendant ce temps, des responsables sanitaires tiennent des propos lissés à la télévision, vantant la prise de décision « sur des bases scientifiques », alors que sur le terrain, la science ne remplit pas les frigos.
Certes, les dangers de l’usage non encadré des laits artificiels sont réels. Mais qui peut jeter la pierre à une mère affamée, épuisée, sans soutien, qui donne du lait en poudre à son bébé parce qu’elle n’a pas une goutte de lait à offrir ? Le discours culpabilisateur, souvent véhiculé par les professionnels eux-mêmes, masque mal le désengagement de l’État. Tant que le ministère de la Santé n’osera pas parler de la détresse économique et psychologique des mères, ses campagnes resteront déconnectées, voire violentes dans leur indifférence.
Le directeur régional de la santé affirme que « toutes les décisions sont prises en concertation avec les spécialistes ». Très bien. Mais où sont les sociologues ? Où sont les assistantes sociales ? Où sont les femmes elles-mêmes, concernées en premier lieu ? On nous parle de « cercles de maris » et de « cercles de belles-mères » pour soutenir les mères allaitantes. Mais encore une fois, on responsabilise les familles sans que l’État ne s’engage sérieusement. Il ne suffit pas de sensibiliser : il faut garantir des conditions de vie décentes, offrir des congés maternité dignes, soutenir l’économie domestique.
Dans des pays comme la Norvège ou le Canada, l’allaitement maternel est favorisé non pas par des slogans, mais par des congés maternité longs (jusqu’à un an), des indemnités, et des politiques de soutien aux mères. En Afrique, le Rwanda a fait des progrès notables en adoptant une loi obligeant les entreprises à aménager des espaces d’allaitement. Pourquoi pas le Sénégal ?
Des études publiées par la Lancet Global Health ont démontré que la montée de lait est favorisée par le repos post-partum, le soutien émotionnel, et une alimentation adéquate. Or, au Sénégal, les femmes accouchent souvent dans des conditions précaires, sont épuisées physiquement, et mal nourries. Ce sont ces réalités qui freinent la lactation, pas un défaut de volonté.
Tant que l’État sénégalais n’adoptera pas une approche systémique, sociale et solidaire de l’allaitement, ses campagnes officielles ne seront que de la poudre aux yeux. Il ne suffit pas de répéter que « le lait maternel est le meilleur » quand tant de mères sont laissées à elles-mêmes. Il faut cesser les discours lénifiants et d’entrer dans une ère d’action concrète : congés maternité, accompagnement, infrastructures. Sans cela, la semaine de l’allaitement restera ce qu’elle est aujourd’hui : une opération de communication déconnectée des réalités.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Anonyme.
Mis en ligne : 09/08/2025
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