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Le Sénégal est secoué par une affaire aussi surprenante que préoccupante : plusieurs téléphones de la marque Tecno, distribués localement par Khouma & Frères, ont été verrouillés à distance par le fabricant chinois, rendant les appareils totalement inutilisables et plongeant les clients dans une profonde incompréhension.
En réaction, le distributeur sénégalais a décidé de saisir le Tribunal de commerce de Dakar, réclamant un milliard de francs CFA en réparation du préjudice subi. Cet épisode ne peut être réduit à un simple différend commercial ; il traduit un déséquilibre inquiétant dans les relations entre multinationales et marchés africains.
Tecno, marque largement implantée sur le continent, a pris la décision radicale de bloquer des appareils déjà vendus, sans fournir la moindre explication publique. Les raisons potentielles de cette mesure extrême, qu’elles soient liées à des conflits de distribution, à des problèmes de garantie ou à des suspicions de contrefaçon, restent de simples suppositions. Ce qui est certain, c’est que cette action illustre le pouvoir opérationnel considérable que les fabricants peuvent exercer, même après la vente, sur des produits se trouvant entre les mains de consommateurs.
En saisissant la justice, Khouma & Frères met en évidence la fragilité des accords commerciaux face à des mesures unilatérales imposées par des acteurs étrangers. Cette affaire soulève aussi la question des protections légales offertes aux distributeurs et aux consommateurs africains. Si les tribunaux venaient à considérer cette action comme une rupture abusive ou un manquement grave, elle pourrait constituer un précédent juridique important. Mais au-delà de l’aspect judiciaire, c’est la souveraineté technologique et économique qui est en jeu.
Il faut dénoncer cette pratique pour plusieurs raisons. D’abord, elle porte atteinte à l’autonomie des acteurs locaux : les clients se retrouvent privés d’usage sans avoir accès à un quelconque recours technique ou juridique rapide. Ensuite, elle crée un précédent dangereux : si un fabricant peut désactiver à volonté un produit vendu, cela érode la confiance dans le marché et menace la stabilité des relations commerciales.
De plus, cette situation illustre un déséquilibre structurel : les distributeurs africains, souvent en position de faiblesse, ne disposent ni des moyens financiers, ni des leviers contractuels nécessaires pour résister à ces pressions. Enfin, cette dépendance technologique renforce un rapport de domination, où l’Afrique reste vulnérable aux décisions unilatérales prises à des milliers de kilomètres, sans considération pour les réalités locales.
Des situations similaires existent ailleurs, avec des blocages ou restrictions imposés à distance sur des biens électroniques, souvent justifiés par des raisons techniques ou contractuelles. En 2020, des serveurs offerts par la Chine à l’Union africaine ont été accusés d’espionnage. Dans les télécoms, Huawei et ZTE ont progressivement évincé les acteurs européens et américains, grâce à des prix agressifs et des financements opaques, laissant les pays africains dépendants de leur technologie. Ces pratiques témoignent d’une tendance inquiétante : la technologie devient un outil de contrôle qui prime sur les droits des consommateurs et sur la liberté d’usage.
Ce litige doit servir de déclencheur pour renforcer les protections juridiques des acteurs locaux, intégrer des clauses contractuelles garantissant la pérennité des produits vendus et mettre en place des recours efficaces pour les consommateurs. Il s’agit d’un enjeu de souveraineté économique : accepter ce type de pratique reviendrait à cautionner une domination technologique qui prive l’Afrique de son autonomie et de sa capacité à protéger ses marchés. Le silence ou l’inaction ne feraient que confirmer cette dépendance et affaiblir encore davantage notre position.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Mamadou Sy.
Mis en ligne : 22/08/2025
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