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Entre 2018 et 2021, le Sénégal a enregistré 801 176 cas d’infections sexuellement transmissibles (IST), selon les données présentées par le ministère de la Santé. Ce chiffre, à lui seul, devrait suffire à déclencher une mobilisation nationale et à occuper la une des journaux. Pourtant, force est de constater que ce sujet reste largement absent des débats médiatiques et politiques.
Ce silence interroge et s’explique, en partie, par une volonté de préserver l’image du pays, mais aussi par l’incapacité des médias et des institutions à remplir leur rôle d’alerte et de sensibilisation. Dans un contexte où la santé publique est en jeu, cette omerta apparaît comme une faute grave qu’il est urgent de corriger.
Les IST, comme le VIH, frappent sans distinction sociale ou géographique. Les jeunes sont particulièrement vulnérables : près de 30 % des cas concernent les 20 à 24 ans, 16,5 % les 15 à 19 ans, et même les 10 à 14 ans ne sont pas épargnés. Pourtant, contrairement à d’autres épidémies comme le Covid-19, qui a saturé l’espace médiatique dès ses premiers cas, les IST peinent à se faire entendre dans l’opinion publique. La comparaison est saisissante : d’un côté, une pandémie mondiale couverte minute par minute ; de l’autre, une crise sanitaire ancienne et persistante, traitée comme un sujet secondaire, presque invisible.
Cette minimisation du problème laisse les acteurs de terrain dans une grande solitude. Les médias, prompts à relayer les crises spectaculaires, semblent se désintéresser d’un phénomène pourtant lourd de conséquences. Les ONG et associations se retrouvent en première ligne, multipliant ateliers, campagnes de dépistage et actions de sensibilisation avec des moyens limités.
Le Conseil National de Lutte contre le Sida et d’autres organisations locales alertent depuis des années, mais leurs messages peinent à dépasser les cercles spécialisés. Par ailleurs, la stigmatisation et la discrimination envers les personnes vivant avec le VIH ou issues de populations vulnérables demeurent fortes, renforçant le silence et décourageant le dépistage.
Les raisons de ce désintérêt sont multiples. La première est la crainte de ternir l’image du Sénégal, souvent présenté comme un modèle de stabilité en Afrique de l’Ouest. La deuxième est le manque de formation et de spécialisation des journalistes sur ces sujets complexes, qui restent relégués au second plan. Enfin, une certaine lassitude s’est installée : après des décennies de lutte contre le VIH, l’opinion publique et les médias semblent s’être habitués aux chiffres, comme si 800 000 cas n’avaient plus de quoi alerter.
Pourtant, les conséquences sont lourdes. Sans une information claire et régulière, les jeunes restent mal protégés, les populations vulnérables sont laissées pour compte, et les IST continuent de se propager silencieusement.
Les IST ne sont pas une fatalité : elles peuvent être prévenues, dépistées et soignées. Mais pour cela, il faut en parler ouvertement, informer et sensibiliser sans relâche. Le Sénégal dispose des ressources et de l’expertise nécessaires pour inverser la tendance, à condition que chacun assume sa part de responsabilité : médias, institutions, associations et citoyens.
L’heure n’est plus à la discrétion, mais à l’action. Huit cent mille cas d’IST, ce n’est pas une statistique anodine, c’est une véritable crise sanitaire. Et une crise exige transparence, mobilisation et détermination. Le silence, lui, tue. Il faut donc exiger une couverture médiatique à la hauteur de l’urgence, et lancer des campagnes nationales ambitieuses, portées par l’État, les médias et la société civile. Le Sénégal mérite mieux que cette indifférence complice. Agir n’est plus une option, c’est une nécessité.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Amy Collé.
Mis en ligne : 28/08/2025
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