Une richesse qui échappe au peuple : Exploitation pétrolière au Congo - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Afrique | Par Eva | Publié le 05/09/2025 01:09:00

Une richesse qui échappe au peuple : Exploitation pétrolière au Congo

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Le 1er septembre 2025, TotalEnergies a annoncé l’obtention d’un nouveau permis d’exploration offshore en République du Congo, en partenariat avec QatarEnergy (35 %) et la Société Nationale des Pétroles du Congo (SNPC, 15 %). Le projet Nzombo, situé à 100 km des côtes de Pointe-Noire, s’étend sur 1 000 km² et prévoit un premier forage avant la fin de l’année. Si l’entreprise salue cette « opportunité de renforcer son portefeuille », une analyse plus fine révèle une répartition des bénéfices profondément déséquilibrée, une dépendance économique accrue du Congo, et des promesses de développement local rarement tenues.

Ce nouvel accord interroge : le Congo a-t-il vraiment le choix, ou reste-t-il prisonnier d’un modèle extractiviste qui profite d’abord aux multinationales ?

L’Afrique, et le Congo en particulier, ont une longue histoire de contrats pétroliers inégaux. Dans les années 1960-1970, des majors comme Elf, devenue TotalEnergies, se sont implantées au Gabon et au Congo, souvent avec des accords opaques et peu favorables aux États africains. Aujourd’hui encore, la répartition des parts dans les projets pétroliers illustre ce déséquilibre : TotalEnergies détient 50 % du permis Nzombo, QatarEnergy 35 %, et la SNPC seulement 15 %. Cette configuration n’est pas isolée : au Gabon, TotalEnergies EP Gabon a triplé ses bénéfices en 2024, tandis que la part locale reste minoritaire.

En Angola, des contrats similaires ont été critiqués pour leur manque de transparence et leurs retombées limitées pour les populations. Le Congo, comme la moitié des pays africains, dépend à plus de 60 % des exportations de pétrole pour ses recettes. Cette dépendance le rend vulnérable aux fluctuations des prix et aux stratégies des multinationales, qui investissent massivement dans l’exploration mais laissent peu de valeur ajoutée sur place.

TotalEnergies réalise des profits colossaux, avec un tiers de ses investissements toujours consacrés aux énergies fossiles. Pourtant, les retombées locales sont minimes. Le groupe emploie environ 50 stations-service et quelques milliers de personnes au Congo, mais la majorité des emplois qualifiés et des décisions stratégiques restent à l’étranger. Les promesses d’emplois locaux et de développement des infrastructures sont rarement suivies d’effets concrets. Au Gabon, malgré des décennies d’exploitation, les communautés riveraines des sites pétroliers dénoncent un manque d’infrastructures de base et une pollution persistante.

Le modèle est toujours le même : les multinationales exploitent les ressources, exportent les bénéfices, et laissent aux États africains le soin de gérer les coûts sociaux et environnementaux. Le Congo, avec son objectif de 500 000 barils par jour d’ici 2027, mise tout sur le pétrole, au risque de négliger la diversification économique et les énergies renouvelables, pourtant essentielles pour une croissance durable.

Avec 50 % pour TotalEnergies et 35 % pour QatarEnergy, le Congo ne contrôle qu’une minorité de son propre projet et les revenus générés quittent largement le pays, limitant les capacités d’investissement local. Les contrats pétroliers créent peu d’emplois stables et qualifiés pour les Congolais, la plupart des postes techniques étant occupés par des expatriés, et les formations promises tardant à se concrétiser. Le Congo, comme d’autres pays africains, est pris dans un cercle vicieux : pour attirer les investissements, il doit accepter des conditions défavorables, ce qui renforce sa dépendance et limite sa marge de manœuvre. Alors que le monde se tourne vers les énergies vertes, le Congo continue de parier sur le pétrole, au risque de se retrouver avec des actifs dévalués dans quelques décennies.

Le Congo n’est pas un cas isolé. En Côte d’Ivoire, le champ offshore Baleine a été développé avec des garanties de retombées locales et une diversification économique ambitieuse, générant 3 000 emplois directs et des infrastructures financées par les revenus pétroliers. Au Niger, les exportations pétrolières ont dopé la croissance, mais cette manne reste fragile et peu redistribuée. À l’inverse, le Gabon a récemment publié ses contrats pétroliers pour plus de transparence, une démarche que le Congo gagnerait à adopter.

Il est temps pour le Congo de repenser sa relation avec les multinationales pétrolières. Plusieurs pistes s’offrent à lui : exiger une révision des contrats pour une répartition plus équitable des bénéfices et des clauses sociales contraignantes, investir massivement dans les énergies renouvelables et la diversification économique, rendre publics les contrats pétroliers pour garantir la transparence et la redevabilité, et conditionner les permis d’exploration à des engagements concrets en matière d’emplois locaux, de formation et de protection de l’environnement. Le Congo ne manque pas de ressources, mais il manque de contrôle sur leur exploitation. Sans changement de cap, le permis Nzombo ne sera qu’un nouveau chapitre d’une histoire où les multinationales gagnent, et les Congolais paient le prix.

Le nouveau permis accordé à TotalEnergies est une opportunité manquée. Plutôt que de reproduire les erreurs du passé, le Congo devrait exiger des partenariats plus équitables, des retombées locales tangibles, et une vraie stratégie de transition énergétique. La dépendance au pétrole est un piège : pour en sortir, il faut oser dire non aux contrats désavantageux et construire un modèle économique qui profite d’abord aux Congolais. La balle est dans le camp des autorités : sauront-elles saisir cette chance, ou laisseront-elles une fois de plus les multinationales dicter les règles du jeu ?

Article opinion écrit par le créateur de contenu : François B.
Mis en ligne : 05/09/2025

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