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Ce vendredi, l’Union des routiers du Sénégal (Urs) a annoncé l’enlèvement de six de ses membres par des groupes armés terroristes au Mali. Face à cette alarmante nouvelle, le Ministère de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères a réagi par un communiqué aussi prudent que décevant. Plutôt que de rassurer ou d’agir, le texte, parcouru par Seneweb, se réfugie derrière des formulations floues : « à ce stade, aucun élément vérifiable ne permet de confirmer l’enlèvement signalé, ni d’établir avec certitude l’identité des personnes supposément concernées ». Le Ministère ajoute qu’il « demeure en étroite concertation avec les autorités compétentes maliennes » et promet une communication ultérieure en cas d’évolution. Une réponse qui, loin d’apaiser les craintes, révèle une communication d’État déconnectée des réalités, oscillant entre incompétence et cynisme.
Le Sahel est depuis des années le théâtre d’une insécurité grandissante, marquée par la multiplication des enlèvements et des attaques terroristes. Dans ce contexte, les citoyens sénégalais travaillant dans la région, notamment les routiers, sont particulièrement exposés. Leur sécurité devrait être une priorité absolue pour les autorités, d’autant que le Sénégal a souvent affiché sa volonté de jouer un rôle stabilisateur en Afrique de l’Ouest. Pourtant, lorsque des vies sont en danger, la réaction officielle se limite à des mots creux et à une prudence excessive, comme si l’État craignait davantage les conséquences politiques d’une annonce que le sort de ses ressortissants.
Le choix des termes est révélateur. « À ce stade », « aucun élément vérifiable », « supposément concernées » : ces expressions trahissent une volonté de se déresponsabiliser. Plutôt que d’assumer une posture proactive, le Ministère se cache derrière l’attente de confirmations, comme si l’urgence humanitaire pouvait attendre les lenteurs bureaucratiques. La mention d’une « étroite concertation » avec le Mali sonne comme une formule creuse, tant les autorités maliennes peinent elles-mêmes à contrôler leur territoire. Enfin, la promesse d’une « communication officielle ultérieure » est une échappatoire classique, permettant de gagner du temps sans s’engager.
Cette langue de bois n’est pas anodine. Comme le soulignent les analyses en communication de crise, les gouvernements et institutions recourent souvent à des « dispositifs discursifs » pour maîtriser l’information et réduire les risques politiques, au détriment de la transparence et de l’empathie. Dans ce cas, le Ministère semble plus préoccupé par l’image du Sénégal que par le sort des victimes. Pourtant, une crise exige clarté et fermeté, pas des phrases alambiquées qui alimentent la défiance.
Une telle communication ne rassure personne. Les familles des disparus, les routiers et l’opinion publique attendent des actes, pas des formules toutes faites. En minimisant la gravité de la situation, le Ministère prend le risque de voir la colère monter, comme ce fut le cas lors d’autres crises (migrations clandestines, répression politique), où l’État sénégalais a été critiqué pour son manque de réactivité et son incapacité à protéger ses citoyens. Pire, cette attitude peut décourager les initiatives locales et régionales de solidarité, déjà fragilisées par l’instabilité sahélienne.
À l’inverse, des pays comme la France ou le Canada ont développé des mécanismes clairs pour gérer les enlèvements de leurs ressortissants. La France, par exemple, a mis en place le dispositif Alerte-Enlèvement, qui mobilise rapidement médias, forces de l’ordre et population, avec une charte graphique et des protocoles précis. Même en Afrique, des pays comme le Rwanda ou l’Éthiopie ont su montrer une réactivité exemplaire face à des situations similaires. Le Sénégal, lui, semble en retard sur ces bonnes pratiques, préférant la prudence diplomatique à l’action concrète.
Une communication efficace en temps de crise doit être transparente, empathique et orientée vers l’action. Le Ministère aurait pu :
Reconnaître immédiatement la gravité de la situation et exprimer sa solidarité avec les familles. Décrire les mesures concrètes prises (mobilisation des ambassades, coordination avec les forces de sécurité, soutien aux routiers sur place). S’engager à informer régulièrement le public, sans attendre des « éléments vérifiables » qui peuvent tarder. Impliquer les médias et la société civile pour sensibiliser et prévenir de nouveaux drames.
Le communiqué du Ministère des Affaires étrangères est un exemple frappant de langue de bois, révélateur d’une communication d’État inadaptée aux enjeux réels. Face à l’urgence, les mots doivent servir à agir, pas à esquiver. Le Sénégal mérite mieux qu’une diplomatie de l’attentisme. Il faut que les autorités assument leurs responsabilités et placent la sécurité des citoyens au-dessus des calculs politiques. La crédibilité de l’État en dépend.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Souleymane Dia.
Mis en ligne : 10/09/2025
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