La parité en trompe-l'œil : Présidentielles en Côte d’Ivoire - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Afrique | Par Eva | Publié le 14/09/2025 12:09:57

La parité en trompe-l'œil : Présidentielles en Côte d’Ivoire

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Le Conseil constitutionnel ivoirien a rendu publique la liste définitive des candidats à l’élection présidentielle du 25 octobre 2025. Cinq noms ont été retenus, dont deux femmes : Simone Ehivet Gbagbo et Henriette Lagou. À première vue, cette présence féminine pourrait être saluée comme un progrès pour la démocratie ivoirienne. Pourtant, une analyse plus fine révèle que ces candidatures, loin de marquer une avancée réelle, servent surtout à donner une image moderne et inclusive à un scrutin dont l’issue semble déjà écrite. Derrière ce symbole creux se cache une élection sans véritable débat, sans projet de société, et où les femmes candidates ne sont que des figurantes d’un théâtre électoral savamment orchestré.

La Côte d’Ivoire s’apprête à vivre une élection présidentielle marquée par l’absence des principaux leaders de l’opposition. Les candidatures de Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam ont été rejetées pour des motifs administratifs et judiciaires contestés, laissant le champ libre à Alassane Ouattara, candidat à un quatrième mandat. Dans ce contexte, la présence de deux femmes parmi les cinq candidats retenus est présentée comme une avancée. Pourtant, leur participation ne doit pas masquer le caractère verrouillé de ce scrutin.

Simone Ehivet Gbagbo, ancienne première dame et figure historique de l’opposition, et Henriette Lagou, ancienne ministre et militante pour la paix, incarnent chacune à leur manière les limites de cette ouverture apparente. Leur parcours politique, leurs propositions, et surtout leur positionnement face au pouvoir en place, soulèvent des questions sur leur réelle capacité à incarner une alternative crédible.

Simone Ehivet Gbagbo, présidente du Mouvement des générations capables (MGC), est une figure controversée. Ancienne première dame, condamnée puis graciée, elle a construit sa candidature sur un discours de réconciliation nationale et de souveraineté alimentaire. Pourtant, son parti, le MGC, reste marginal dans le paysage politique ivoirien, et sa candidature ne semble pas menacer le pouvoir en place. Son investiture a été saluée par ses partisans, mais son poids électoral réel reste limité. Son discours, bien que structuré autour de thèmes fédérateurs, peine à convaincre au-delà de son électorat traditionnel, d’autant que son parti n’a pas les moyens de rivaliser avec la machine électorale du RHDP.

Henriette Lagou, présidente du Groupement des partenaires politiques pour la paix (GP-PAIX), se présente comme une candidate de la paix et de la stabilité. Son programme met en avant la réconciliation nationale et la cohésion sociale, des thèmes consensuels mais vagues. Son parcours politique, marqué par des alliances changeantes et un exil après la crise post-électorale de 2010, ne lui confère pas une assiette électorale suffisante pour peser face à Ouattara. Son investiture par une coalition de petits partis ne change rien à l’équation : elle reste une candidate « acceptable » pour le pouvoir, car elle ne représente aucune menace sérieuse.

Le cas d’Ahoua Don Mello est encore plus révélateur. Présenté comme une « candidature de précaution » pour éviter l’absence du PPA-CI, il a été immédiatement désavoué par son propre parti et démis de ses fonctions. Sa candidature, qualifiée de « personnelle » par le PPA-CI, illustre la précarité des alternatives à Ouattara. Les militants de l’opposition le considèrent comme un traître, et son soutien affiché au Conseil constitutionnel après l’invalidation des candidatures de Gbagbo et Thiam a achevé de discréditer son initiative.

Où sont les programmes ? Où sont les idées ? Cette élection se résume à une bataille de personnalités, sans véritable projet pour le pays. Les candidates féminines, comme leurs concurrents masculins, peinent à proposer une vision claire et crédible pour l’avenir de la Côte d’Ivoire. Leurs discours, bien que louables, restent génériques et peu différenciés.

La présence de deux femmes sur cinq candidats peut sembler un progrès, mais elle masque une réalité plus sombre : ces candidatures sont avant tout symboliques. En Afrique de l’Ouest, la participation des femmes à la vie politique reste faible, malgré des avancées législatives. En 2025, seules 18 femmes sont présidentes dans le monde, et leur accès à la plus haute fonction de l’État reste difficile. En Côte d’Ivoire, comme ailleurs, les femmes candidates sont souvent utilisées pour donner une image moderne à des scrutins verrouillés.

Les femmes candidates sont-elles les vraies gagnantes de cette élection, ou simplement les figurantes d’un théâtre électoral ? Leur présence sert à légitimer un processus démocratique en apparence inclusif, mais en réalité contrôlé. Le pouvoir en place a tout intérêt à mettre en avant des candidatures féminines pour se donner une image progressiste, tout en s’assurant qu’elles ne représentent aucune menace.

La Côte d’Ivoire n’est pas un cas isolé. Dans de nombreux pays africains, les élections présidentielles sont marquées par une faible représentation féminine et une instrumentalisation des candidatures pour masquer des dérives autoritaires. Au Rwanda, les femmes sont nombreuses au Parlement, mais le pouvoir reste concentré entre les mains d’un seul homme. Au Sénégal, en Guinée, ou au Togo, les femmes candidates sont souvent cantonnées à des rôles symboliques, sans réelle chance de l’emporter.

En 2025, la Côte d’Ivoire reproduit ce schéma : les femmes sont présentes, mais leur participation ne change rien à l’équilibre des forces. Leur rôle se limite à donner une façade démocratique à un scrutin dont l’issue est déjà connue.

La présence de Simone Ehivet Gbagbo et Henriette Lagou dans cette élection présidentielle ne doit pas tromper. Elle ne reflète pas une avancée démocratique, mais plutôt une stratégie de communication destinée à masquer les faiblesses d’un processus électoral verrouillé. Les femmes candidates, loin d’être les gagnantes de ce scrutin, en sont les alibis.

Cette élection, dépourvue de débat et de projet, confirme le caractère illusoire de la démocratie ivoirienne. Tant que les règles du jeu resteront contrôlées par le pouvoir en place, tant que les opposants sérieux seront écartés, et tant que les candidatures féminines ne seront que des figurations, la Côte d’Ivoire ne pourra pas prétendre à une alternance démocratique réelle.

La vraie question n’est pas de savoir si une femme peut gagner cette élection, mais si cette élection a encore un sens. À l’heure actuelle, la réponse semble malheureusement négative.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : O. Sanogo.
Mis en ligne : 14/09/2025

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