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Les chiffres sont accablants : au Sénégal, les maladies non transmissibles diabète, hypertension, cancers explosent, directement liées à une alimentation déséquilibrée, trop riche en sel, sucre et graisses, et pauvre en légumes et protéines. Le Cres et le Larnah/Ucad ont sonné l’alarme, multipliant les études et les recommandations pour une alimentation plus saine. Pourtant, face à cette crise sanitaire annoncée, l’État reste spectateur. Pire, par son inaction, il se rend complice d’une épidémie qui coûte des vies et hypothèque l’avenir du pays. Comment expliquer une telle négligence ?
Les travaux du Cres ne laissent aucun doute : les Sénégalais mangent mal, et cela les rend malades. L’enquête sur l’alimentation au Sénégal, basée sur 18 000 données, révèle un régime déséquilibré, avec une surconsommation de céréales raffinées, de sel, de sucre et de matières grasses, et un déficit criant en fruits, légumes et protéines de qualité. Le Pr Abdoulaye Diagne le martèle : il est urgent de changer nos habitudes alimentaires. Pourtant, malgré ces alertes répétées, les pouvoirs publics brillent par leur immobilisme.
Alors que d’autres pays agissent taxes sur les boissons sucrées au Mexique, étiquetage nutritionnel clair en Europe, subventions pour les fruits et légumes en France le Sénégal tergiverse. Les campagnes de sensibilisation ? Quasi inexistantes, surtout en langues locales et dans les zones rurales. Les subventions pour les producteurs locaux ? Absentes, alors que les importations de produits transformés, souvent de piètre qualité, sont encouragées. Les cantines scolaires, qui pourraient être un levier majeur pour éduquer les enfants à une alimentation saine ? Elles continuent de servir des menus déséquilibrés, en totale contradiction avec les recommandations du Cres.
L’État sénégalais sait. Les rapports s’accumulent, les experts tirent la sonnette d’alarme, mais rien ne change. Pourquoi ?
Comment espérer faire évoluer les comportements sans informations claires, accessibles à tous, dans toutes les langues du pays ? Les messages de prévention se perdent dans des discours techniques ou des initiatives ponctuelles, sans impact réel sur le terrain.
Au lieu de subventionner les producteurs de fruits et légumes locaux, l’État laisse les marchés être inondés de produits industriels bon marché, mais désastreux pour la santé. Les petits agriculteurs, qui pourraient fournir des aliments sains, sont abandonnés à leur sort.
Aucune taxe sur les boissons sucrées, aucune régulation sérieuse de la publicité pour la malbouffe, aucun contrôle strict sur la qualité des aliments importés. Pendant ce temps, les multinationales de l’agroalimentaire prospèrent, au détriment de la santé publique.
Lieux idéaux pour inculquer de bonnes habitudes alimentaires dès l’enfance, les cantines servent encore trop souvent des repas pauvres en nutriments. Pourquoi ne pas imposer, comme le recommande le Cres, des menus équilibrés, riches en légumes et protéines locales ?
Ailleurs, des pays ont prouvé que des mesures fortes pouvaient inverser la tendance. Le Mexique, par exemple, a instauré une taxe sur les boissons sucrées, entraînant une baisse significative de leur consommation. La France a généralisé le nutriscore, permettant aux consommateurs de faire des choix éclairés. Le Chili a interdit la publicité pour la malbouffe destinée aux enfants. Ces politiques ont un coût, mais elles sauvent des vies et réduisent les dépenses de santé à long terme.
Au Sénégal, rien de tel. Pire, les rares mesures annoncées comme la baisse des prix sur certains produits de première nécessité restent timides et insuffisantes face à l’ampleur du problème. Résultat : les hôpitaux s’engorgent, les familles s’endettent pour soigner des maladies évitables, et la productivité du pays en pâtit.
Le plus scandaleux ? L’État attend que la situation empire pour réagir. Combien de décès évitables, combien de milliards dépensés en soins auront été nécessaires pour qu’enfin, une politique nutritionnelle ambitieuse voie le jour ?
La malbouffe n’est pas une fatalité. C’est le résultat d’un système qui privilégie les intérêts économiques à la santé des citoyens. L’État sénégalais a les moyens d’agir : taxer les produits nocifs, subventionner les aliments sains, éduquer la population, imposer des menus équilibrés dans les cantines. Mais pour cela, il faut une volonté politique, une vraie priorité accordée à la prévention plutôt qu’à la gestion de la crise.
La question est simple : pourquoi attendre que les hôpitaux soient saturés, que les familles soient ruinées par les maladies, pour enfin prendre les décisions qui s’imposent ? La santé des Sénégalais ne peut plus être sacrifiée sur l’autel de l’inaction. Il faut que l’État assume ses responsabilités et cesse d’être le complice silencieux de cette épidémie. Les solutions existent. Il ne manque que le courage de les appliquer.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Allou Keïta.
Mis en ligne : 14/09/2025
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