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La récente signature d’un avenant entre le Sénégal et Dubaï Port World pour le financement et le développement du port de Ndayane a été présentée comme une avancée majeure, censée propulser le pays au rang de leader portuaire en Afrique de l’Ouest. Pourtant, derrière les annonces triomphales se cachent des risques majeurs. Ce projet, bien que séduisant sur le papier, pourrait bien se révéler un pari hasardeux, voire un fardeau pour l’économie sénégalaise.
Alors que les ports d’Abidjan et de Lomé dominent déjà 80 % du trafic régional, le Sénégal mise gros sur un port dont la mise en service n’est prévue qu’en 2028, avec seulement 40 % des travaux de dragage achevés à ce jour. Une telle précipitation interroge : Ndayane ne risque-t-il pas de devenir un « éléphant blanc », coûteux et sous-exploité, dans une région où la surcapacité portuaire est déjà une réalité ?
L’Afrique de l’Ouest compte déjà plusieurs ports majeurs, dont ceux d’Abidjan (Côte d’Ivoire) et de Lomé (Togo), qui captent l’essentiel du trafic maritime. Ces infrastructures, modernes et bien connectées, bénéficient d’une avance considérable, tant en termes d’équipements que de partenariats commerciaux. Abidjan, par exemple, a su se positionner comme un hub logistique incontournable, grâce à des investissements continus et une gestion efficace. Lomé, de son côté, mise sur sa position géographique et des accords commerciaux avantageux pour attirer les flux de marchandises. Dans ce paysage concurrentiel, le Sénégal arrive en retard, avec un projet dont la concrétisation prendra encore plusieurs années.
Le port de Ndayane, bien que présenté comme « l’avenir portuaire du Sénégal », devra non seulement rattraper ce retard, mais aussi convaincre les armateurs et les investisseurs de sa pertinence. Or, les délais annoncés, une mise en service en 2028, laissent peu de marges de manœuvre. Les travaux de dragage, essentiels pour accueillir des navires de grande taille, ne sont qu’à moitié terminés, et les infrastructures complémentaires (routes, voies ferrées, zones logistiques) restent à développer. Dans un secteur où la rapidité et l’efficacité sont cruciales, ce retard initial pourrait s’avérer fatal.
L’un des défis majeurs du projet de Ndayane est la question de la demande. L’Afrique de l’Ouest souffre déjà d’une surcapacité portuaire, avec plusieurs infrastructures sous-utilisées. Selon des études récentes, de nombreux ports de la région fonctionnent en dessous de leur capacité maximale, faute de trafic suffisant. Dans ce contexte, ajouter une nouvelle infrastructure de grande envergure pourrait aggraver le déséquilibre entre l’offre et la demande, rendant le port sénégalais peu rentable.
Les exemples ne manquent pas : au Nigeria, le port de Lekki, inauguré en 2023, peine à attirer les flux escomptés, malgré des investissements colossaux. Au Ghana, le port de Tema, pourtant moderne, fait face à une concurrence acharnée et à des difficultés pour remplir ses docks. Ces cas illustrent un phénomène récurrent : la construction de nouveaux ports ne garantit pas automatiquement leur succès.
Sans une stratégie claire pour capter une part significative du trafic régional, Ndayane pourrait suivre le même chemin, devenant une infrastructure coûteuse et sous-exploitée, dont la maintenance pèsera lourdement sur les finances publiques. De plus, le coût du projet, plus de 700 milliards de francs CFA, soulève des questions sur sa viabilité économique. Un tel investissement, s’il ne génère pas les retombées attendues, pourrait alourdir la dette du Sénégal et détourner des ressources nécessaires à d’autres secteurs prioritaires, comme l’éducation, la santé ou l’agriculture.
Le succès du port de Ndayane dépendra en grande partie de la stabilité des échanges mondiaux. Or, les crises économiques et géopolitiques récentes ont montré à quel point le commerce maritime peut être vulnérable. La pandémie de COVID-19, les tensions commerciales entre grandes puissances et les conflits régionaux ont perturbé les chaînes d’approvisionnement, réduisant le trafic dans de nombreux ports africains. Dans un tel environnement, miser sur une infrastructure portuaire sans garantie de trafic stable est un pari risqué.
Par ailleurs, le Sénégal n’a pas encore diversifié suffisamment son économie pour absorber les chocs externes. Une baisse des échanges mondiaux, une récession dans les pays partenaires ou une crise régionale pourraient rendre le port de Ndayane non rentable, laissant le pays avec une infrastructure coûteuse et peu utilisée. Cette dépendance aux flux internationaux, combinée à une concurrence déjà féroce, fait de Ndayane un projet incertain, dont les retombées économiques restent hypothétiques.
Face à ces risques, il est urgent que les autorités sénégalaises adoptent une approche plus prudente et transparente. Plutôt que de miser aveuglément sur un projet pharaonique, il serait plus judicieux de renforcer les infrastructures existantes, comme le Port autonome de Dakar, et d’investir dans des secteurs créateurs d’emplois et de richesse locale. Une évaluation indépendante des besoins réels en capacité portuaire, ainsi qu’une étude d’impact économique et environnemental rigoureuse, seraient des étapes indispensables avant de s’engager davantage.
Les Sénégalais méritent des réponses claires : quels sont les garanties de rentabilité du port de Ndayane ? Comment le pays compte-t-il concurrencer Abidjan et Lomé, déjà bien établis ? Quels mécanismes sont prévus pour éviter que ce projet ne devienne un fardeau pour les générations futures ?Le développement d’un port est un atout pour un pays, à condition qu’il réponde à des besoins réels et qu’il s’inscrive dans une stratégie globale de développement. À défaut, Ndayane pourrait bien se transformer en un symbole de gaspillage et de mauvaise gestion, plutôt qu’en un levier de croissance.
Si le port de Ndayane représente une ambition louable, les risques qu’il comporte sont trop importants pour être ignorés. Le Sénégal doit éviter de répéter les erreurs commises ailleurs en Afrique, où des projets portuaires ambitieux se sont soldés par des échecs coûteux. Il est encore temps de reconsidérer ce pari hasardeux et de privilégier des investissements plus sûrs et plus bénéfiques pour la population. La prudence s’impose : mieux vaut un projet réaliste et maîtrisé qu’un géant aux pieds d’argile.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Coumba Diouf.
Mis en ligne : 16/09/2025
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