Un discours d’ouverture qui cache la réalité : CAN 2025 au Maroc - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Sport | Par Eva | Publié le 18/09/2025 08:09:30

Un discours d’ouverture qui cache la réalité : CAN 2025 au Maroc

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À moins de cent jours du coup d’envoi de la Coupe d’Afrique des Nations au Maroc, les autorités, à travers Fouzi Lekjaa, président de la Fédération Royale Marocaine de Football (FRMF), s’affichent confiantes : stades modernisés, infrastructures sportives internationales, professionnalisation, vision de long terme, volonté d’unité africaine… Le tout sous le signe de la fraternité. Mais, à y regarder de plus près, ce discours volontariste soulève un certain nombre d’interrogations.

Si le Maroc peut effectivement organiser une CAN impressionnante sur le plan matériel, le prêchi-prêcha sur l’ouverture et l’unité masque des tensions, des exclusions, et un risque de faire de cet événement une vitrine pour élites plutôt qu’un moment réellement populaire.

La CAN est un moment fort pour l’Afrique, sportif, culturel, diplomatique. Accueillir l’édition 2025, c’est pour le Maroc une opportunité de renforcer son rayonnement continental, de prouver la mise en œuvre de ses politiques d’investissement dans le sport. Plus de vingt ans d’efforts sont mis en avant : modernisation, infrastructures, professionnalisation. Le discours de Lekjaa souligne aussi une dimension humaine, fraternelle, plus symbolique. Cependant, plusieurs signaux montrent que les objectifs officiels et le vécu de beaucoup risquent de ne pas coïncider, notamment pour les supporters modestes, pour certains pays africains, ou pour ceux qui ne font pas partie des classes privilégiées.

Le Maroc annonce « ouvrir ses portes à tous nos frères africains », mais les politiques de visa montrent des écarts : pour des pays africains, l’entrée reste soumise à visas ou autorisations électroniques parfois complexes. Par exemple, certains citoyens d’Afrique centrale doivent obtenir des visas, ou au moins faire une demande qui ne se règle pas toujours facilement. De plus, l’histoire des relations diplomatiques reste tendue avec certains États voisins, notamment l’Algérie, ce qui laisse planer la possibilité de blocages non officiels à la libre circulation, ou des ambassades peu disponibles.

Rien dans l’article factuel ne dit explicitement que les prix des billets et de l’hébergement seront accessibles à tous. Or, dans d’autres contextes africains, les grands matchs ou les grands événements finissent souvent par coûter cher, de sorte que les supporters populaires en sont exclus, ou ne peuvent venir que partiellement. On peut craindre que les prix VIP, les stades dernière génération, les infrastructures haut de gamme ne favorisent les classes aisées ou les visiteurs étrangers plutôt que la masse des amateurs de football au niveau local.

Le Cameroun lors de la CAN 2021 avait promis une édition moderne, un héritage durable ; mais de nombreux touristes et supporters ont critiqué le retard sur l’état des infrastructures, le coût de la logistique, voire le manque de confort ou de sécurité dans certaines zones. Dans d’autres pays hôtes de grandes compétitions, la modernisation des stades s’est faite, mais les coûts d’entretien ont souvent pesé lourd après l’événement, sans retombées tangibles pour les populations non urbaines ou pauvres.

Le discours de fraternité peut dissimuler des réalités diplomatiques complexes : quelles seront les relations avec les supporters des pays avec lesquels le Maroc a des tensions ? Le fait que l’Algérie ait réimposé des visas aux Marocains, par exemple, illustre que les frontières diplomatiques peuvent être (et sont) des barrières réelles. L’événement peut devenir un instrument de soft power : mise en avant de l’image du pays, renforcement du prestige du régime, plus que de cohésion africaine réelle. On peut penser que ce sont les élites politiques, économiques, voire certains milieux dans le monde du football qui bénéficieront avant tout.

Les coûts directs (transport, logement, restauration, billets) pour vivre l’expérience CAN pourront être prohibitifs pour beaucoup, particulièrement dans des pays africains où le niveau de vie est faible. Même si certains accords avancent vers une autorisation électronique simplifiée, cela reste insuffisant pour garantir une ouverture pleine, efficace, immédiate pour tous les supporters. Les investissements massifs dans l’infrastructure, la modernisation des stades, etc., sont louables, mais s’ils ne s’accompagnent pas d’un plan pour que les communautés locales bénéficient au quotidien, tout cela reste cosmétique. Les matchs se joueront dans des grandes cités, stades de haut niveau, mais les populations éloignées risquent de ne pas voir d’amélioration directe dans leur vie sportive, économique, culturelle.

Malgré les promesses de modernité, certains événements passés ont montré des infrastructures inachevées, des routes endommagées, des transports peu fiables, ce qui a brisé quelque peu le récit d’une CAN unie et réussie. Les grandes compétitions laissent souvent des infrastructures sous-utilisées et des dettes publiques. Au Cameroun, les stades construits pour la CAN 2021 peinent à trouver une utilité post-événement, et les retombées économiques promises n’ont pas profité à la population.

L’entretien des infrastructures coûte cher, certains stades restent sous-utilisés, et les retombées économiques pour les classes populaires sont difficiles à mesurer. Lorsqu’un pays hôte affiche un discours de fraternité, mais que des accords politiques ou des différends actuels persistent, cela mine la portée symbolique des promesses.

Si le Maroc a indéniablement les moyens et l’ambition d’organiser une CAN 2025 impressionnante, le discours d’ouverture, de fraternité africaine et de modernité, s’il n’est pas assorti de mesures concrètes pour garantir l’accès, l’égalité, la simplicité, pourrait rester plus symbolique que réel. Cette édition risque d’être une CAN pour les élites, une vitrine diplomatique, mais non un événement pleinement inclusif.

Pour que la promesse ne soit pas un mirage, je suggère que les autorités marocaines garantissent des prix de billets accessibles pour toutes catégories de supporters, incluant les populations locales et les plus modestes ; simplifient au maximum les formalités d’entrée pour tous les pays africains, avec des e-Visas fonctionnels, des délais courts, transparents, et peu coûteux ; prévoient une logistique de transport intra-urbain et interurbain accessible à tous pour rejoindre les stades ; et s’assurent que les infrastructures ne restent pas des monuments coûteux, mais bénéficient durablement aux clubs de base, à la formation, à tous les sportifs, pas seulement aux professionnels ou aux visiteurs étrangers.

Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Sokhna Mai.
Mis en ligne : 18/09/2025

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