Un baptême transformé en bain de sang : Le Sahel sombre dans le chaos - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Afrique | Par Eva | Publié le 20/09/2025 01:09:00

Un baptême transformé en bain de sang : Le Sahel sombre dans le chaos

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Lundi, dans la région de Tillabéri au Niger, 22 civils ont été massacrés par des hommes armés lors d’une cérémonie de baptême. Cet épisode macabre n’est que le dernier en date d’une longue série d’attaques qui transforment la zone des trois frontières (Niger, Mali, Burkina Faso) en un véritable no man’s land. Derrière ces drames à répétition se cache une réalité accablante : les États de la région, minés par des juntes militaires et des tensions diplomatiques, ont perdu le contrôle.

Pendant ce temps, les groupes djihadistes étendent leur emprise, profitant de l’incurie des pouvoirs publics et de l’échec cuisant des forces internationales. Le Sahel est en train de devenir un terrain de jeu pour le terrorisme, faute de volonté politique et de coopération efficace.

La zone des trois frontières, carrefour stratégique entre le Niger, le Mali et le Burkina Faso, est depuis des années l’épicentre de la violence djihadiste en Afrique de l’Ouest. Les groupes liés à Al-Qaïda et à l’État islamique y circulent presque librement, exploitant la porosité des frontières et l’absence de coordination entre des régimes militaires plus occupés à se méfier les uns des autres qu’à protéger leurs populations. Depuis les coups d’État au Mali (2020), au Burkina Faso (2022) et au Niger (2023), la méfiance entre ces pays a remplacé toute velléité de collaboration. Pire, les alliances changeantes et les sanctions régionales (comme celles imposées par la CEDEAO) ont encore affaibli des États déjà fragiles.

Les civils paient le prix fort. À Tondikiwindi, comme dans tant d’autres localités, les habitants sont livrés à eux-mêmes, pris entre des armées impuissantes et des terroristes qui frappent sans relâche. Les attaques contre des cérémonies traditionnelles, comme ce baptême transformé en bain de sang, ne sont pas des coïncidences : elles visent à semer la terreur et à saper les dernières structures sociales encore debout.

L’article relatant le massacre de Takoubatt révèle une vérité cruelle : malgré le déploiement massif de troupes et les promesses des juntes au pouvoir, la sécurité ne s’améliore pas. Au contraire, la situation se dégrade. Les forces locales, mal équipées et souvent mal commandées, subissent des pertes lourdes (une vingtaine de soldats tués la semaine dernière), tandis que les populations civiles sont devenues des cibles de choix. Les djihadistes, eux, ont su s’adapter. Ils utilisent des motos pour des raids éclair, ciblent les moments de vulnérabilité (marchés, fêtes, cultes), et bénéficient d’un terrain idéal : des frontières poreuses et des États en guerre froide les uns contre les autres.

Les forces internationales, quant à elles, ont échoué. L’opération Barkhane, menée par la France jusqu’en 2022, n’a pas réussi à éradiquer la menace, malgré des moyens colossaux. Le G5 Sahel, censé incarner la coopération régionale, s’est effondré sous le poids des divisions politiques et du manque de financement. Aujourd’hui, les juntes au pouvoir rejettent toute présence étrangère, mais peinent à proposer une alternative crédible. Résultat : le vide sécuritaire se creuse, et les groupes armés en profitent pour recruter, s’armer et étendre leur influence.

Les régimes militaires du Mali, du Burkina et du Niger ont rompu avec leurs anciens alliés (France, ONU) au nom de la souveraineté, mais n’ont su bâtir aucune alliance solide entre eux. Les tensions diplomatiques, comme la fermeture des frontières ou les accusations de soutien à des rebelles, paralysent toute action commune. Pendant ce temps, les djihadistes, eux, ignorent les drapeaux et les discours : ils exploitent ces divisions pour circuler, se réorganiser et frapper où bon leur semble.

Barkhane a quitté le Sahel, le G5 Sahel est moribond, et les missions de l’ONU sont contestées. Pourtant, aucune force locale n’a les moyens de combler ce vide. Les juntes misent sur des milices ou des mercenaires (comme le groupe Wagner au Mali), des solutions à court terme qui aggravent souvent les violences et alimentent les cycles de vengeance.3. Une région sacrifiée sur l’autel des ego Plutôt que de s’unir face à l’ennemi commun, les dirigeants préfèrent jouer la surenchère nationaliste. Le Niger, le Mali et le Burkina se tournent vers la Russie ou d’autres partenaires, mais ces choix géopolitiques n’ont pas – et n’auront pas – d’impact immédiat sur la sécurité des populations. Pendant ce temps, les villages brûlent, et les deuils s’accumulent.

La situation rappelle tristement d’autres conflits, comme en Afghanistan ou en Irak, où l’absence de stratégie globale et l’ingérence étrangère mal gérée ont laissé le champ libre aux extrémistes. Au Sahel, on reproduit les mêmes erreurs : mépris pour les dynamiques locales, méfiance entre acteurs, et une approche purement militaire qui ignore les causes profondes (pauvreté, corruption, marginalisation).

La zone des trois frontières est devenue le symbole d’un effondrement annoncé. Les États ont perdu le contrôle, les forces internationales ont échoué, et les civils en paient le prix. Il ne suffit pas de condamner les attaques ou de brandir des slogans : il faut une rupture. Une rupture avec l’isolement des juntes, avec les rivalités stériles, et avec l’illusion qu’on peut vaincre le terrorisme sans justice, sans développement, et sans coopération sincère.

Tant que les dirigeants du Sahel préféreront leurs querelles de pouvoir à la protection de leurs peuples, tant que la communauté internationale se contentera de déclarations creuses, le djihadisme continuera de prospérer. Il est encore temps d’agir, mais il faut pour cela reconnaître l’ampleur de l’échec actuel, et cesser de sacrifier des vies sur l’autel de l’impréparation et de l’orgueil. Le Sahel mérite mieux qu’un avenir de deuils et de désolation. À quand une véritable stratégie, enfin à la hauteur des enjeux ?

Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Mariam Sidibé.
Mis en ligne : 20/09/2025

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