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Le 3 août 2022, à Montargis en France, Clothilde, une jeune femme de 31 ans, était battue à mort par son mari sénégalais et sa co-épouse, sous les yeux de leurs trois enfants. Ce féminicide, d’une brutalité inouïe, a non seulement brisé une famille, mais il a aussi jeté une ombre sur l’image du Sénégal à l’international. Pays souvent célébré pour sa Teranga, cette hospitalité légendaire qui en fait un modèle en Afrique de l’Ouest, le Sénégal se retrouve aujourd’hui associé à un crime odieux, commis par deux de ses ressortissants.
Ce drame pose une question douloureuse : comment concilier la fierté d’une nation connue pour sa paix et sa tolérance avec la barbarie de ses enfants à l’étranger ? Ce n’est pas seulement un fait divers, c’est une tache indélébile sur la réputation d’un pays entier. Il est temps de dénoncer ce contraste insupportable et d’exiger que le Sénégal assume ses responsabilités.
Le Sénégal est mondialement reconnu pour sa stabilité politique, sa culture riche et son accueil chaleureux. La Teranga, bien plus qu’un simple mot, incarne une philosophie de vie : respect, générosité, et ouverture aux autres. Pourtant, ce féminicide vient rappeler une réalité moins glorieuse. La polygamie, bien qu’encadrée par la loi sénégalaise, est parfois détournée pour justifier des situations d’injustice et de violence. Dans ce cas, elle a servi de couverture à un crime abject, commis en France, sous le regard horrifié de l’opinion publique.
Clothilde, enceinte de huit mois, a été tuée dans des circonstances atroces, et sa petite fille est morte in utero quelques semaines plus tard. Ce n’est pas un cas isolé : les violences conjugales existent aussi au Sénégal, mais elles sont souvent minimisées ou reléguées au rang d’affaires privées. Pourtant, quand de tels actes se produisent à l’étranger, c’est toute une nation qui est jugée.
La diaspora sénégalaise, souvent citée en exemple pour son intégration et son dynamisme, se retrouve aujourd’hui pointée du doigt. Les médias internationaux s’emparent de l’histoire, et les amalgames ne tardent pas : le Sénégal, pays de la Teranga, devient soudain celui des maris violents et des traditions oppressives. Les Sénégalais installés en France, en Belgique, ou ailleurs, subissent déjà les conséquences : regards suspicieux, généralisations hâtives, et parfois même des remarques racistes. Comment leur expliquer que ce crime ne les représente pas, quand les autorités et les leaders religieux gardent un silence assourdissant ?
Ce féminicide n’est pas qu’une tragédie familiale, c’est un déshonneur pour le Sénégal. Dans un monde où l’information circule à une vitesse folle, un seul fait divers peut suffire à façonner une réputation. Or, ici, les détails sont accablants : une femme battue à mort, une co-épouse complice, des enfants traumatisés, et une mère poussée au suicide par le désespoir. Comment ne pas voir, dans ce chaos, le symbole d’un système qui a failli ? La polygamie, présentée comme une tradition respectueuse, se transforme en instrument d’oppression. Pire, elle est brandie comme une excuse pour justifier l’injustifiable.
Les Sénégalais de la diaspora sont les premières victimes collatérales de ce drame. Eux qui, chaque jour, luttent contre les préjugés et bâtissent des ponts entre leurs deux cultures, se voient soudain réduits à une caricature : celle de l’Africain violent, incapable de respecter les droits des femmes. Les associations comme Stop Agression Sénégal tentent de sensibiliser et d’éduquer, mais leur voix peine à porter face à l’ampleur du scandale. Où sont les condamnations officielles ? Où sont les imams, les intellectuels, les politiques, pour rappeler que l’islam sénégalais prône la paix et le respect ? Leur silence est complice. Il laisse le champ libre aux stéréotypes et aux généralisations.
À l’heure où la France et l’Europe débattent de l’immigration et de l’intégration, ce crime tombe comme un couperet. Les populistes et les extrémistes ne manqueront pas de l’utiliser pour diaboliser les migrants sénégalais. Pourtant, la grande majorité d’entre eux vivent dans le respect des lois et des valeurs de leurs pays d’accueil. Mais quand un seul individu commet l’irréparable, c’est toute une communauté qui est stigmatisée.
Le Sénégal ne peut plus se contenter de vanter sa Teranga sans agir contre les dérives qui la trahissent. Ce féminicide doit servir de déclic. D’abord, les autorités sénégalaises doivent condamner publiquement ce crime et rappeler que de tels actes sont inacceptables, où qu’ils soient commis. Ensuite, il est urgent de lancer des campagnes de sensibilisation, au Sénégal et dans la diaspora, sur les droits des femmes et les dangers de la violence conjugale. Les leaders religieux, qui ont une influence majeure sur les mentalités, doivent prendre position. La polygamie, si elle est pratiquée, doit l’être dans le respect et la justice – jamais dans la violence.
Par ailleurs, le Sénégal doit renforcer l’éducation de ses citoyens, ici et là-bas, sur les valeurs de respect et d’égalité. Les hommes sénégalais doivent comprendre que la virilité ne se mesure pas à la capacité de dominer, mais à celle de protéger. Les femmes, quant à elles, doivent être encouragées à briser le silence et à dénoncer les abus, sans crainte d’être rejetées ou jugées.
Enfin, il est temps que le Sénégal assume pleinement sa diaspora. Cela signifie non seulement célébrer ses succès, mais aussi condamner ses échecs. Les ambassades et les consulats doivent jouer un rôle actif dans la prévention des violences et l’accompagnement des victimes. Sinon, le pays continuera de payer le prix de l’inaction : une image ternie, une diaspora fragilisée, et une jeunesse désorientée.
D’autres pays ont été confrontés à des défis similaires. Le Maroc, par exemple, a réformé son code de la famille (la Moudawana) pour mieux protéger les droits des femmes, tout en préservant ses traditions. La Tunisie, pionnière en matière d’égalité des sexes dans le monde arabe, montre qu’il est possible de concilier modernité et héritage culturel. Pourquoi le Sénégal ne s’inspirerait-il pas de ces modèles ? La polygamie, si elle doit exister, doit être strictement encadrée pour éviter les abus. Et surtout, elle ne doit jamais servir de prétexte à la violence.
En France, les féminicides sont malheureusement fréquents, mais ils sont systématiquement condamnés par les plus hautes autorités. Quand un crime est commis, c’est toute la société qui se mobilise pour dire « plus jamais ça ». Le Sénégal doit adopter la même rigueur. Sinon, il risque de voir son image se dégrader un peu plus à chaque drame.
Le féminicide de Montargis est une blessure pour le Sénégal. Il rappelle que même les nations les plus respectées peuvent être trahies par les actes de quelques-uns. Mais cette blessure peut aussi être une opportunité : celle de se remettre en question, de réaffirmer ses valeurs, et de montrer au monde que la Teranga n’est pas un simple mot, mais un engagement.
Aux autorités sénégalaises, nous demandons des actes concrets : des lois plus strictes, des campagnes de sensibilisation, et une condamnation sans équivoque de la violence. Aux leaders religieux et communautaires, nous exigeons qu’ils brisent le silence et éduquent leurs fidèles. À la diaspora, nous lançons un appel : unissez-vous pour dire non à la violence et oui à la dignité.
Le Sénégal mérite mieux que cette image de pays complice de la barbarie. Il faut prouver que la Teranga n’est pas qu’un mythe, mais une réalité vécue au quotidien. Pour Clothilde, pour ses enfants, et pour toutes les femmes qui souffrent en silence, agissons. Le monde nous regarde. Ne le décevons pas.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Mariama S. Kane.
Mis en ligne : 20/09/2025
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