L’opposition ivoirienne signe sa défaite : Élection sans suspense - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Afrique | Par Eva | Publié le 22/09/2025 07:09:15

L’opposition ivoirienne signe sa défaite : Élection sans suspense

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L’annonce de Laurent Gbagbo, exclu de la course présidentielle et refusant de soutenir un quelconque candidat, résume à elle seule le drame ivoirien : une opposition incapable de s’unir face à Alassane Ouattara, malgré les coups portés par le pouvoir. Alors que le scrutin du 25 octobre s’annonce comme une formalité pour le président sortant, la fragmentation des forces d’opposition, entre exclusions judiciaires, dissidences internes et absence de stratégie commune, offre un boulevard à un quatrième mandat contesté.

Ce n’est plus seulement la démocratie qui est en jeu, mais la crédibilité même de ceux qui prétendent la défendre. Car comment espérer changer un système quand on en est le premier complice ?

Depuis 2011, Alassane Ouattara incarne un pouvoir qui, année après année, a méthodiquement affaibli ses adversaires. La décision du Conseil constitutionnel d’écarter Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam, deux figures majeures de l’opposition, sous prétexte d’inéligibilité, a scellé le sort d’une élection déjà déséquilibrée. Parmi les cinq candidats retenus, deux sont d’anciens compagnons de route de Gbagbo en rupture de ban (Simone Ehivet et Ahoua Don Mello), tandis que les autres (Jean-Louis Billon, Henriette Lagou) peinent à incarner une alternative crédible. Pourtant, au lieu de faire front, l’opposition se déchire, offrant sur un plateau la victoire à Ouattara. La scène est connue : un pouvoir qui verrouille les institutions, une opposition qui s’éparpille, et des électeurs privés de vrai choix.

Ce scénario n’est pas nouveau en Afrique de l’Ouest. Au Sénégal, en 2024, l’opposition avait su se mobiliser pour contrer la tentative de report de l’élection présidentielle, forçant Macky Sall à reculer. En Guinée, en revanche, les divisions ont permis à Alpha Condé de modifier la Constitution pour briguer un troisième mandat, plongeant le pays dans l’instabilité. La Côte d’Ivoire, elle, semble condamnée à répéter les erreurs du passé. Pourtant, l’histoire récente devrait servir de leçon : en 2010, c’est l’incapacité à trouver un compromis qui avait mené le pays au bord de la guerre civile. Dix ans plus tard, rien n’a changé, sinon en pire.

La déclaration de Gbagbo, lisant qu’« il n’y avait ni consensus, ni légitimité suffisante » pour soutenir un candidat, est un aveu d’échec cuisant. Plutôt que de s’unir autour d’une stratégie claire, boycott massif, front républicain, ou mobilisation citoyenne, les opposants préfèrent cultiver leurs querelles personnelles. Simone Ehivet et Ahoua Don Mello, en se présentant contre leur ancien mentor, ne font que diviser davantage un électorat déjà désorienté. Quant à Jean-Louis Billon et Henriette Lagou, leur candidature ressemble davantage à une figuration qu’à une réelle ambition de victoire. Leur présence sur la liste des prétendants ne sert qu’à donner une illusion de pluralisme à un scrutin déjà joué d’avance.

Pire, l’absence de coordination entre Gbagbo et Thiam, tous deux frappés d’inéligibilité, révèle un manque criant de vision à long terme. Au lieu de proposer une alternative collective (une plateforme commune, un candidat unique, ou même un boycott organisé), chacun campe sur ses positions, comme si le vrai ennemi n’était pas Ouattara, mais le voisin d’à côté. Les dissensions au sein du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et du Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI) achèvent de discréditer une opposition qui semble avoir oublié l’essentiel : l’union fait la force. En refusant de s’entendre, ces leaders offrent à Ouattara le cadeau ultime : une victoire sans combat.

Les arguments avancés pour justifier ces divisions, divergences idéologiques, ambitions personnelles, rancœurs anciennes, sonnent creux face à l’urgence démocratique. Quand le Conseil constitutionnel valide un quatrième mandat en piétinant l’esprit de la Constitution, quand le gouvernement menace de sanctions ceux qui osent contester ses décisions, il ne reste plus qu’une issue : l’unité. Or, c’est précisément ce qui manque le plus. Les appels de Gbagbo à des « actions démocratiques et pacifiques » résonnent comme un cri dans le désert, tant ses anciens alliés préfèrent jouer leur partition en solo.

Un jeu de dupes : En se présentant contre Gbagbo, Ehivet et Don Mello ne font que légitimer un processus électoral biaisé. Leur candidature divise les voix de l’opposition et affaiblit toute velléité de résistance. Leur présence sur la liste des candidats n’est qu’un leurre, une caution démocratique pour un scrutin déjà verrouillé.

L’illusion de l’alternative : Billon et Lagou, malgré leur expérience ministérielle, n’ont ni la base militante ni le charisme nécessaires pour incarner un vrai changement. Leur participation ne sert qu’à donner une apparence de compétition à une élection où le vainqueur est connu d’avance. Leur rôle se limite à celui de faire-valoir, permettant à Ouattara de se draper dans les habits du démocrate tout en écrasant ses adversaires.

L’échec stratégique : L’opposition ivoirienne semble ignorer les leçons des luttes démocratiques ailleurs sur le continent. Au Bénin, en 2021, l’union des partis d’opposition avait failli faire basculer le pouvoir. En Zambie, en 2021, une coalition large et déterminée avait mis fin à des décennies de règne du parti au pouvoir. En Côte d’Ivoire, au contraire, les egos priment sur l’intérêt général. Résultat : Ouattara peut se permettre de défier la Constitution sans craindre de réelle résistance.

Un électorat abandonné : Les Ivoiriens, surtout les jeunes, sont las de ces querelles stériles. En l’absence d’une opposition unie et crédible, beaucoup pourraient se tourner vers l’abstention ou, pire, vers des formes de contestation plus radicales. Le risque ? Une légitimité encore plus affaiblie pour le futur gouvernement, et une radicalisation des frustrations.

La Côte d’Ivoire mérite mieux qu’une opposition en ordre dispersé. Alors que le pays s’apprête à vivre une élection sans suspense, il est temps pour Gbagbo, Thiam et leurs anciens alliés de comprendre une chose : leur division est la meilleure arme d’Ouattara. Refuser de s’unir, c’est accepter la défaite avant même d’avoir combattu. C’est trahir l’espoir de millions d’électeurs qui aspirent à une alternance pacifique et démocratique.

Il est encore temps d’agir. Boycotter massivement le scrutin, former un front commun pour les législatives, ou lancer une campagne de désobéissance civile pacifique : les options ne manquent pas. Mais elles exigent du courage, de l’humilité, et une volonté farouche de placer l’intérêt national au-dessus des calculs personnels. Si l’opposition ne se ressaisit pas, elle ne sera plus seulement complice de sa propre défaite, elle sera responsable de l’asphyxie définitive de la démocratie ivoirienne.

Le 25 octobre ne sera qu’un épisode de plus dans une longue série de rendez-vous manqués avec l’histoire. À moins que, enfin, ses acteurs ne décident de grandir.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Jean Koffi.
Mis en ligne : 22/09/2025

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