Des citoyens privés de leurs droits : Répression politique au Tchad - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Afrique | Par Eva | Publié le 24/09/2025 01:09:00

Des citoyens privés de leurs droits : Répression politique au Tchad

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Le 17 septembre 2025, le gouvernement tchadien a retiré leur nationalité à deux figures critiques du régime : le blogueur Makaila Nguebla, ancien collaborateur de la présidence, et l’activiste Charfadine Galmaye, tous deux installés à l’étranger. Cette décision, qualifiée d’« illégale et absurde » par les principaux concernés, s’inscrit dans une tendance inquiétante : l’utilisation abusive du retrait de nationalité comme instrument de répression politique.

Makaila Nguebla, réfugié politique en France, a déposé plainte à Paris, dénonçant une violation des traités internationaux sur l’apatridie. Cet article entend dénoncer cette pratique, qui prive des individus de leurs droits fondamentaux et muselle la liberté d’expression sous couvert de légalité administrative.

La nationalité n’est pas un privilège, mais un droit fondamental, protégé par la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Déclaration universelle des droits de l’homme. Ces textes garantissent à chacun le droit de ne pas être arbitrairement privé de sa nationalité, surtout lorsque cela le plonge dans l’apatridie, c’est-à-dire dans l’impossibilité d’être reconnu comme ressortissant d’un État quelconque. Pourtant, de nombreux régimes autoritaires recourent à cette mesure pour réduire au silence leurs opposants, souvent déjà en exil et donc moins en mesure de se défendre.

Au Tchad, cette décision intervient dans un contexte marqué par des restrictions croissantes des libertés. Les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique y sont régulièrement bafoués, et les voix critiques font l’objet de harcèlement, d’arrestations arbitraires, voire d’expulsions. Le retrait de nationalité s’ajoute ainsi à l’arsenal répressif d’un État qui semble déterminé à étouffer toute forme de dissidence, même depuis l’étranger.

Le gouvernement tchadien justifie cette mesure par des motifs administratifs, mais les faits suggèrent une motivation purement politique. Makaila Nguebla et Charfadine Galmaye sont connus pour leurs prises de position critiques envers le pouvoir. Leur exil ne les a pas protégés : bien au contraire, il a rendu plus facile pour les autorités de les cibler sans craindre de réaction immédiate sur le terrain. En les privant de leur nationalité, l’État tchadien ne cherche pas seulement à les punir, mais aussi à envoyer un message clair à tous ceux qui osent le critiquer : personne n’est à l’abri, même hors des frontières.

Cette pratique n’est pas isolée. En Russie, des opposants ou des journalistes critiques ont vu leur nationalité menacée ou retirée pour des raisons politiques. En Biélorussie, le régime d’Alexandre Loukachenko a également recouru à des mesures similaires pour réprimer l’opposition, notamment en exil. Dans ces pays, comme au Tchad, le retrait de nationalité sert à éliminer les voix gênantes et à dissuader d’autres citoyens de s’exprimer librement.

La Convention de 1954 interdit explicitement de priver une personne de sa nationalité si cela la rend apatride, sauf dans des cas très limités et strictement encadrés. Or, Makaila Nguebla, déjà réfugié en France, se retrouve désormais sans protection légale de la part du Tchad, en contradiction flagrante avec les engagements internationaux du pays. Le Tchad, comme d’autres régimes autoritaires, utilise des procédures administratives pour contourner les garanties juridiques.

En ciblant des opposants en exil, il évite une confrontation directe tout en les privant de leurs droits les plus élémentaires, comme l’accès à un passeport, à la protection consulaire, ou même à un retour au pays. Cette décision crée un précédent qui pourrait encourager d’autres États à adopter des mesures similaires, normalisant ainsi une pratique contraire aux principes les plus fondamentaux des droits humains. Elle envoie aussi un signal alarmant à la diaspora tchadienne : critiquer le gouvernement peut désormais coûter bien plus qu’une simple censure.

Le retrait de nationalité à des fins politiques est une attaque contre les droits humains et une menace pour la démocratie. La communauté internationale, et en particulier les organisations de défense des droits de l’homme, ne peuvent rester silencieuses face à de telles dérives. Il est urgent de rappeler aux États leurs obligations en matière de protection des droits fondamentaux et de condamner fermement ces pratiques.

La plainte déposée par Makaila Nguebla en France est un premier pas, mais elle ne suffira pas. Il revient aux Nations unies, à l’Union africaine et aux démocraties du monde entier de faire pression sur le Tchad pour qu’il respecte ses engagements internationaux et cesse d’utiliser la nationalité comme une arme politique. Sans une réaction forte, ce type de mesure risque de se généraliser, au détriment des libertés individuelles et de l’État de droit.

La question de l’apatridie et des droits humains mérite une attention particulière. Les traités existent, mais leur application dépend de la volonté politique des États. Il est temps de passer des mots aux actes.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Idriss Sanou.
Mis en ligne : 24/09/2025

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