La Guinée prend de l’avance : Le Sénégal, prisonnier de ses illusions - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Economie | Par Eva | Publié le 24/09/2025 12:09:00

La Guinée prend de l’avance : Le Sénégal, prisonnier de ses illusions

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La Guinée vient d’obtenir sa première notation souveraine positive, B+ avec perspective stable, de la part de Standard & Poor’s. Premier producteur mondial de bauxite et en plein essor minier, le pays se positionne désormais au-dessus de la moyenne africaine.

Pendant ce temps, le Sénégal voit sa note chuter, passant de B à B- chez S&P et de B1 à B3 chez Moody’s, en raison d’une situation budgétaire désastreuse, d’un endettement record et d’un climat politique instable. Pourtant, des économistes sénégalais minimisent l’affaire : pour eux, cette notation ne reflète que le risque d’endettement, pas la taille réelle de l’économie. Pire, ils nous promettent un rebond miraculeux grâce aux hydrocarbures et au rebasing du PIB, assurant que le Sénégal reste « bien placé pour consolider son rôle de hub économique majeur en Afrique de l’Ouest ».

Mais à force de vivre dans les slogans et les promesses, on finit par perdre pied avec la réalité. La vérité, c’est que nous sommes en train de nous faire doubler par des pays qui, eux, agissent au lieu de rêver. La Guinée avance, la Côte d’Ivoire investit, le Bénin modernise ses infrastructures… Et nous ? Nous nous accrochons à des illusions, comme si le simple fait d’y croire suffisait à les rendre réelles. Il est temps de descendre de notre nuage et de regarder les faits en face : le Sénégal n’est plus le champion économique que certains veulent nous faire croire. La preuve ? Les agences de notation, elles, ne s’y trompent pas.

La dégradation de la note souveraine du Sénégal n’est pas un accident de parcours, mais le résultat d’années de gestion désastreuse. Selon un rapport accablant de la Cour des comptes, l’encours de la dette publique atteint en réalité 99,67 % du PIB, contre les 78 % officiellement annoncés sous l’ancien régime. Le déficit budgétaire « recalculé » pour 2023 s’élève à 12,3 %, contre 4,9 % annoncé auparavant. Moody’s et S&P ont donc logiquement sanctionné cette gabegie, soulignant des « carences graves en matière de gouvernance » et une « exposition accrue aux chocs défavorables ». Le Premier ministre Ousmane Sonko lui-même a qualifié ce rapport de « particulièrement catastrophique et inquiétant ». Pourtant, certains économistes continuent de nous vendre du rêve : le rebasing du PIB et les hydrocarbures vont tout sauver. Mais à quel prix ? Pendant ce temps, la Guinée, avec une dette publique maîtrisée (44 % du PIB) et une discipline budgétaire saluée par S&P, avance à grands pas.

Les partisans du « Sénégal hub économique » brandissent deux arguments principaux : le rebasing du PIB et l’exploitation des hydrocarbures. Mais le rebasing, c’est avant tout un artifice comptable qui ne change rien à la vie quotidienne des Sénégalais. Quant aux hydrocarbures, leur exploitation ne fera pas miracle du jour au lendemain. La Guinée, elle, mise sur une croissance minière certifiée, avec des projets comme Simandou, qui devrait devenir la plus grande mine de fer au monde. Pendant ce temps, le Sénégal s’endette à tour de bras et voit son déficit exploser. Les agences de notation ne s’y trompent pas : elles dégradent, car elles voient un pays au bord du gouffre, pas un futur géant économique.

Prenez le port de Dakar, souvent cité comme un atout majeur. En réalité, il est largement dépassé par ses concurrents. Le port de Cotonou, malgré des classements mondiaux médiocres, affiche une croissance de 19,9 % du trafic de marchandises au troisième trimestre 2025, contre une progression timide de 2 % pour Dakar. Pire, dans le classement mondial des ports performants, Dakar se traîne à la 196e place, loin derrière Lomé ou Abidjan. Pendant que le Bénin investit massivement pour moderniser ses infrastructures, le Sénégal stagne, incapable de concrétiser le projet du port de Ndayane, annoncé depuis des années.

La Guinée n’est pas un cas isolé. Le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana… Tous ces pays misent sur des réformes structurelles et des investissements concrets. Le Sénégal, lui, se contente de promesses et de plans sur le papier. Résultat : notre coût de la vie explose (Dakar est 20 à 30 % plus chère que Cotonou ou Bamako), notre dette asphyxie l’État, et notre économie informelle représente plus de 70 % de l’activité. Pendant ce temps, nos dirigeants nous parlent de « hub économique » et de « croissance à deux chiffres » pour 2025. Mais à quoi bon une croissance théorique si elle ne se traduit pas par des emplois, des infrastructures, ou une amélioration du pouvoir d’achat ?

Le Sénégal n’est plus le chouchou de l’Afrique de l’Ouest. Les Français ne nous privilégient plus, les investisseurs se méfient, et nos voisins nous doublent sur tous les plans. Il est temps d’arrêter de se bercer d’illusions. Le « hub économique », c’est une chimère tant que nous ne mettrons pas fin à la gabegie, à la corruption, et à l’improvisation. La Guinée, avec ses B+ et ses mines, nous a damé le pion. Et si nous ne réagissons pas vite, d’autres pays nous écraseront sans pitié.

Alors, chers compatriotes, assez de rêves éveillés. Le Sénégal ne redeviendra un acteur majeur que le jour où nous cesserons de vivre dans le déni et où nous nous attaquerons enfin aux vrais problèmes : la dette, la gouvernance, et l’incapacité à concrétiser nos projets. Sinon, préparons-nous à devenir le « hub » des pays en difficulté, pas celui de la croissance africaine.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Matar Niang.
Mis en ligne : 24/09/2025

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