Une génération privée de changement : 40 ans de règne en Ouganda - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Afrique | Par Eva | Publié le 27/09/2025 01:09:00

Une génération privée de changement : 40 ans de règne en Ouganda

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L’Ouganda vient de confirmer la candidature de Yoweri Museveni, 81 ans, à l’élection présidentielle de janvier 2026. Au pouvoir depuis 1986, il incarne un paradoxe frappant : celui d’un pays où plus de 75 % de la population a moins de 35 ans, mais où le pouvoir reste verrouillé par une élite vieillissante, incapable de répondre aux aspirations d’une jeunesse en quête d’avenir. L’article factuel qui nous est proposé décrit une démocratie de façade, où les élections sont entachées de fraudes, où l’opposition est muselée, et où la promesse d’un renouveau politique se heurte à l’obstination d’un régime sclérosé.

L’Ouganda est l’un des pays les plus jeunes au monde : l’âge médian y est de 16,9 ans, et plus de la moitié de la population a moins de 17 ans. Chaque année, près de 400 000 jeunes entrent sur le marché du travail, dans un pays où le chômage et la précarité touchent massivement les urbains, notamment à Kampala.

Pourtant, depuis près de 40 ans, ces jeunes n’ont connu qu’un seul président : Yoweri Museveni. Son arrivée au pouvoir en 1986, après une guerre civile, avait soulevé l’espoir d’une stabilité retrouvée. Mais aujourd’hui, son refus de passer la main et les manipulations constitutionnelles, comme la suppression de la limite d’âge en 2017 et le contrôle de l’armée par son fils, ont transformé l’Ouganda en un laboratoire de l’autoritarisme moderne.

Face à lui, Bobi Wine, artiste devenu député, incarne les espoirs d’une génération lasse des promesses non tenues. En 2021, il a obtenu 35 % des voix, un score historique pour l’opposition, avant de dénoncer des fraudes massives. Depuis, sa popularité ne faiblit pas, surtout parmi les jeunes et les citadins, qui voient en lui le symbole d’un possible changement. Pourtant, le système politique ougandais, verrouillé par Museveni et son parti, le Mouvement de résistance nationale, laisse peu de place à l’alternance. Les élections à venir ne semblent être qu’une nouvelle mascarade démocratique, où le résultat est connu d’avance.

Museveni, comme d’autres dirigeants africains, incarne le phénomène de la « gérontocratie » : des dirigeants octogénaires s’accrochant au pouvoir alors que leur population est ultra-jeune. En Afrique, l’écart entre l’âge moyen des dirigeants et celui de la population atteint 44 ans, un fossé qui pose un problème majeur de représentation et de légitimité. En Ouganda, 79 % des habitants sont nés après l’arrivée de Museveni au pouvoir. Comment un tel décalage peut-il garantir une gouvernance adaptée aux défis du XXIe siècle ?

Faute de débats politiques ouverts et de réformes économiques ambitieuses, des milliers de jeunes Ougandais choisissent l’exil. Certains fuient vers le Kenya, les États-Unis ou l’Europe, en quête d’opportunités inexistantes chez eux. D’autres, confrontés à la répression politique, emportent avec eux des compétences et une énergie dont l’Ouganda a besoin. Cet exode aggrave la fuite des cerveaux et prive le pays de sa principale richesse : sa jeunesse.

Malgré une croissance démographique soutenue, l’Ouganda peine à créer suffisamment d’emplois pour absorber les centaines de milliers de jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail. Le secteur agricole, qui emploie encore 70 % de la population active, est vulnérable aux aléas climatiques et offre peu de perspectives d’ascension sociale. Les investissements étrangers, tant vantés par Museveni, profitent surtout à une élite proche du pouvoir, sans créer d’emplois stables pour la majorité.

Les élections ougandaises sont systématiquement entachées d’irrégularités : bourrage d’urnes, intimidation des opposants, utilisation de l’armée pour réprimer les manifestations. Bobi Wine et ses partisans sont régulièrement arrêtés, blessés ou empêchés de faire campagne. Cette dérive autoritaire montre que le régime survit davantage par la répression et la manipulation que par la légitimité démocratique.

L’Ouganda n’est malheureusement pas une exception en Afrique. Plusieurs pays du continent sont dirigés par des présidents vieillissants, au pouvoir depuis des décennies, qui modifient les constitutions pour se maintenir indéfiniment. Partout, le même scénario se répète : une jeunesse massive, dynamique, mais privée de voix, et des dirigeants qui confondent l’État avec leur patrimoine personnel. Pourtant, des exemples comme celui du Sénégal, où une alternance pacifique a eu lieu en 2024, montrent qu’un autre modèle est possible, à condition de disposer d’institutions indépendantes, d’une presse libre et d’une classe politique prête à accepter la défaite électorale.

La situation en Ouganda est intenable. Un pays ne peut se développer quand sa jeunesse est exclue des décisions, quand ses élites refusent tout renouvellement, et quand la répression remplace le débat démocratique. Il est temps que la communauté internationale, et surtout les jeunes Ougandais, exigent des élections libres et transparentes, une limite stricte des mandats présidentiels, des politiques économiques centrées sur l’emploi des jeunes et la fin de la répression contre l’opposition et la société civile.

L’Ouganda a tous les atouts pour réussir : une population jeune, dynamique, et une position géostratégique en Afrique de l’Est. Mais pour cela, il faut briser le carcan d’un régime qui, depuis 40 ans, étouffe ses propres citoyens. La jeunesse ougandaise mérite mieux qu’un avenir confisqué par des octogénaires. Elle mérite le droit de choisir ses dirigeants, de construire son pays, et d’espérer.

L’Ouganda est à la croisée des chemins. Soit le pays continue sur la voie de l’autoritarisme et de l’immobilisme, au risque de voir sa jeunesse fuir massivement et son potentiel gaspillé. Soit il ose la rupture, en permettant une alternance pacifique et en plaçant les jeunes au cœur de ses priorités. Le scrutin de janvier 2026 sera un test crucial. Mais pour que le changement soit possible, il faut que les Ougandais – et leurs partenaires internationaux – refusent de cautionner une élection truquée. La légitimité ne se décrète pas, elle se gagne. Et en Ouganda, elle appartient désormais à ceux qui représentent l’avenir : la jeunesse.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Saliou Diallo.
Mis en ligne : 27/09/2025

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