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Jeudi 25 septembre 2025, le gouvernement malgache a instauré un couvre-feu nocturne après des manifestations massives contre les coupures d’eau et d’électricité, devenues insupportables pour des millions de citoyens. La réponse des autorités ? Balles en caoutchouc, gaz lacrymogènes, et interdiction pure et simple de manifester. Si les images de barricades enflammées et de pillages ont choqué, c’est surtout l’incapacité chronique du pouvoir à écouter sa population qui interroge.
Plutôt que de répondre aux revendications légitimes, l’État a choisi la force brute, aggravant une crise sociale déjà explosive. Une stratégie dangereuse, qui ne fait que creuser le fossé entre les dirigeants et les citoyens.
Depuis des mois, Madagascar subit des coupures d’électricité et d’eau pouvant durer plus de 12 heures par jour. À Antananarivo comme dans les autres grandes villes, les habitants, les étudiants, les entreprises, tous paient le prix d’un système énergétique à bout de souffle. La compagnie nationale JIRAMA, minée par des décennies de mauvaise gestion, de corruption et de sous-investissement, ne parvient plus à suivre la demande. Pourtant, malgré les alertes répétées, aucune solution structurelle n’a été proposée. Pire : les promesses de transition énergétique (solaire, hydroélectricité) restent lettres mortes, tandis que le pays continue de dépendre de centrales à fioul coûteuses et polluantes.
Les manifestations du 25 septembre, portées notamment par la Génération Z, n’étaient pas une surprise. Organisées via les réseaux sociaux, elles reflétaient un ras-le-bol généralisé, bien au-delà des simples coupures : transparence, lutte contre la corruption, justice sociale – autant de demandes que le gouvernement a systématiquement ignorées.
Dès le premier jour, les forces de l’ordre ont réprimé les rassemblements pacifiques avec une violence disproportionnée. À Antananarivo, des manifestants brandissant des pancartes ont été dispersés par des tirs de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc. Le bilan ? Au moins cinq morts, des dizaines de blessés, des commerces pillés, et des infrastructures publiques incendiées dont des stations de téléphérique, symbole d’un développement à deux vitesses.
Le couvre-feu, décrété de 19h à 5h du matin, n’a fait qu’aggraver les tensions. Plutôt que de rétablir le calme, cette mesure a muselé la protestation sans apporter la moindre réponse aux problèmes de fond. Pire, elle a confirmé ce que beaucoup craignaient : le pouvoir préfère étouffer les voix critiques plutôt que d’engager un dialogue. Les attaques contre les domiciles de proches du président Rajoelina, bien que condamnables, illustrent une colère qui se cristallise contre une élite perçue comme déconnectée des réalités du quotidien.
Cette répression n’est pas un cas isolé. En 2023 déjà, l’ONU dénonçait l’usage « non nécessaire et disproportionné » de la force contre des manifestants pacifiques à Madagascar. En 2025, le scénario se répète, avec une différence majeure : la colère est désormais nationale, et les revendications dépassent largement le cadre des délestages. Les Malgaches ne demandent plus seulement de l’électricité – ils réclament dignité et accountability.
L’histoire récente de l’Afrique regorge d’exemples où la violence étatique a envenimé des crises sociales. Au Sénégal en 2023-2024, la répression des manifestations contre le report des élections a précipité le pays dans une instabilité politique sans précédent. En Ouganda ou au Nigeria, l’usage excessif de la force contre des mouvements pacifiques a systématiquement conduit à une radicalisation des protestataires et à une perte de légitimité des gouvernements.
À Madagascar, le parallèle est frappant. Comme ailleurs, les autorités semblent croire que la force peut remplacer la gouvernance. Pourtant, les exemples montrent que cette stratégie ne fait qu’alimenter un cercle vicieux : répression, radicalisation, nouvelle répression. Les réseaux sociaux, outils de mobilisation massive, rendent aujourd’hui toute censure illusoire. La jeunesse malgache, connectée et déterminée, ne se laissera pas réduire au silence.
La situation à Madagascar est un test pour la démocratie. Le gouvernement a encore le choix :
Continuer sur la voie de la répression, au risque de plonger le pays dans une spirale de violences et d’instabilité. Écouter enfin les citoyens, engager des réformes transparentes dans le secteur énergétique, et ouvrir un dialogue inclusif avec la société civile.
Les solutions existent : investir massivement dans les énergies renouvelables, réformer la JIRAMA, lutter contre la corruption qui gangrène les marchés publics. Mais pour cela, il faut arrêter de traiter les manifestants comme des ennemis, et reconnaître que leur colère est légitime.
Les événements de septembre 2025 sont un électrochoc. Ils révèlent l’urgence d’une refonte profonde de la gouvernance malgache. Le couvre-feu et les balles en caoutchouc ne résoudront rien ; ils ne feront qu’attiser la défiance et reporter l’inévitable.
Le message est clair : un État qui refuse d’écouter son peuple finit par le perdre. À Madagascar, le temps des rustines et des mesures autoritaires est révolu. Si le gouvernement veut éviter une crise encore plus grave, il doit agir maintenant – non pas contre les manifestants, mais pour eux.
La balle est dans le camp du président Rajoelina. Saura-t-il entendre l’appel à la raison, ou préférera-t-il le chemin périlleux de la répression ? L’avenir du pays en dépend.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Raoul T.
Mis en ligne : 29/09/2025
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