Le pari perdu d’avance de Simone Ehivet : Présidentielle en Côte d’Ivoire - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Afrique | Par Eva | Publié le 01/10/2025 01:10:00

Le pari perdu d’avance de Simone Ehivet : Présidentielle en Côte d’Ivoire

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L’annonce de la candidature de Simone Ehivet à l’élection présidentielle ivoirienne d’octobre 2025 a suscité un regain d’attention médiatique et politique. À 79 ans, l’ancienne première dame, figure historique du Front populaire ivoirien (FPI) et fondatrice du Mouvement des générations capables (MGC), incarne pour ses partisans l’espoir d’un renouveau. Pourtant, derrière le discours mobilisateur et les promesses de transformation, se cache une réalité bien moins reluisante : celle d’une candidature symbolique, sans assises électorales solides, portée par une figure dont le passé politique et judiciaire interroge.

Si l’idée d’une femme à la tête de la Côte d’Ivoire est séduisante, les moyens concrets de Simone Ehivet pour y parvenir et gouverner restent flous, voire illusoires. Son parcours, marqué par des choix controversés et un parti marginal, invite à une analyse critique de ses chances réelles et de l’opportunité de sa candidature.

Simone Ehivet a été officiellement investie candidate par le MGC le 30 novembre 2024, dans son village natal de Moossou, devant plusieurs centaines de militants enthousiastes. Son parcours politique est indissociable de celui de son ex-mari, Laurent Gbagbo : cofondatrice du FPI dans les années 1980, députée, première dame influente, puis condamnée à 20 ans de prison pour « atteinte à la sûreté de l’État » après la crise post-électorale de 2010-2011, elle a bénéficié d’une amnistie en 2018. Après son divorce en 2023, elle a fondé le MGC, présentant ce parti comme une alternative pour la jeunesse et les déçus du système. Pourtant, le MGC n’a obtenu que cinq conseillers municipaux lors des dernières élections, grâce à des alliances opportunistes, et n’a jamais prouvé sa capacité à mobiliser massivement.

La présidentielle de 2025 s’annonce comme un test grandeur nature pour ce jeune parti, mais aussi comme une épreuve de vérité pour une candidate dont la légitimité est contestée. Le Conseil constitutionnel a validé sa candidature, parmi seulement cinq retenues, alors que des figures majeures de l’opposition (Laurent Gbagbo, Tidjane Thiam, Charles Blé Goudé) en ont été exclues. Cette situation place Simone Ehivet en position de candidate « par défaut », plus que de favorite crédible.

Le Mouvement des générations capables, créé en 2022, peine à s’imposer face aux grands partis ivoiriens. Lors des dernières élections municipales, il n’a remporté que cinq sièges de conseillers, et ce grâce à des alliances avec d’autres formations politiques. Selon les analystes, le MGC ne dispose ni de l’ancrage territorial ni de la machine électorale nécessaire pour rivaliser avec le RHDP d’Alassane Ouattara ou même le PDCI. Son discours sur la « transformation » et la « modernisation » de la Côte d’Ivoire reste vague, sans programme détaillé ni propositions concrètes pour répondre aux défis économiques et sociaux du pays.

Simone Ehivet a joué un rôle central pendant la crise post-électorale de 2010-2011, qui a fait plus de 3 000 morts. Son arrestation, sa condamnation, puis son amnistie rappellent les heures sombres de la division nationale. Pour beaucoup d’Ivoiriens, elle incarne une époque de tensions et de violences, plutôt qu’un avenir apaisé. Son retour sur la scène politique risque de raviver les clivages, alors que le pays cherche à tourner la page.

À 79 ans, Simone Ehivet se présente comme une figure d’expérience, mais son âge et son profil interrogent sur sa capacité à incarner le renouveau générational et à répondre aux attentes d’une jeunesse en quête d’emploi, d’éducation et de stabilité. Son discours sur la réconciliation nationale, via une amnistie générale, sonne comme un retour en arrière, alors que la Côte d’Ivoire a besoin de projets concrets pour l’avenir.

Contrairement à ses adversaires, Simone Ehivet ne bénéficie ni d’un parti structuré ni de financements comparables à ceux du pouvoir en place. Les 50 millions de francs CFA évoqués pour sa campagne (une somme modeste pour une présidentielle) auraient pu être investis dans des projets sociaux ou économiques concrets, plutôt que dans une aventure électorale aux chances minces.

La candidature de Simone Ehivet pourrait fragmenter davantage l’opposition, au profit d’Alassane Ouattara. En se présentant seule, sans union large avec les autres forces d’opposition, elle affaiblit les chances de voir émerger une alternative crédible au RHDP.

Ses priorités affichées (réconciliation, souveraineté alimentaire, industrialisation) restent des slogans, sans plan précis ni moyens identifiés. La Côte d’Ivoire a besoin de réformes structurelles, pas de promesses électorales creuses.

Si l’élection d’une femme à la présidence serait historique, Simone Ehivet n’incarne pas un féminisme progressiste ou une rupture avec les pratiques politiques passées. Son parcours est celui d’une militante de l’ombre, puis d’une première dame influente, mais pas celui d’une gestionnaire expérimentée. En Afrique, les femmes qui ont accédé à la présidence (Ellen Johnson Sirleaf, Joyce Banda) l’ont fait avec un bilan et une légitimité bien plus solides.

Son socle électoral se limite aux nostalgiques du FPI et à une frange de l’opposition radicale. Les Ivoiriens, majoritairement jeunes, aspirent à des solutions pour l’emploi, la santé et l’éducation – des enjeux sur lesquels son programme reste flou.

En Afrique, les candidatures symboliques de femmes politiques ne sont pas rares, mais elles peinent souvent à se traduire en succès électoraux. Au Cameroun, en 2025, une seule femme a été retenue parmi les candidats à la présidentielle, sans réelle chance de l’emporter. Au Sénégal ou au Rwanda, les femmes politiques qui ont percé l’ont fait grâce à des partis structurés et des programmes clairs – deux atouts que Simone Ehivet ne possède pas.

Simone Ehivet peut continuer à rêver, mais la réalité est cruelle : sa candidature repose sur un parti marginal, un passé controversé et des promesses vagues. Alors que la Côte d’Ivoire a besoin de stabilité et de projets concrets, son aventure électorale risque de disperser les voix de l’opposition et de rouvrir des plaies encore fraîches. Plutôt que de s’engager dans une campagne aux issues incertaines, ses ressources et son énergie auraient pu servir à construire des alternatives durables pour les générations futures.

La présidentielle de 2025 sera un scrutin décisif pour l’avenir du pays. Il mérite mieux qu’une candidature nostalgique, portée par une figure dont le temps politique semble révolu.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Abdoul Sawadogo.
Mis en ligne : 01/10/2025

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