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Alassane Ouattara, technocrate devenu pilier de la politique ivoirienne, incarne un paradoxe saisissant : celui d’un économiste brillant, formé aux plus hautes sphères du FMI et de la BCEAO, dont l’expertise a souvent servi à justifier des réformes économiques drastiques, au détriment des principes démocratiques et de la cohésion sociale. Si ses partisans saluent sa rigueur et son bilan macroéconomique, une analyse critique révèle une gouvernance où la stabilité financière a systématiquement primé sur l’équité, la participation citoyenne et la justice sociale.
Issu d’une famille modeste, Ouattara s’est forgé une réputation d’économiste compétent, d’abord au FMI, puis à la BCEAO, avant d’être propulsé à la tête du gouvernement ivoirien en 1990 par Félix Houphouët-Boigny. Son arrivée coïncide avec une crise économique profonde, marquée par une dette insoutenable et une inflation galopante. Nommé Premier ministre, il impose des mesures d’austérité et des privatisations massives, inspirées des recettes du FMI, sans véritable concertation avec les acteurs sociaux ou politiques locaux. Ces réformes, bien que présentées comme nécessaires, ont creusé les inégalités et précarisé des milliers de fonctionnaires, tout en enrichissant une élite proche du pouvoir. Comme le souligne l’Encyclopédie Universalis, « il mène une politique de privatisations et de réduction des dépenses publiques, en adoptant des mesures d’austérité impopulaires ».
Dès les années 1990, les privatisations menées sous son égide ont souvent profité à des proches du régime, tandis que les services publics (santé, éducation) subissaient des coupes claires. Les critiques pointent un clientélisme persistant : les postes clés sont attribués à des fidèles, et les appels d’offres publics restent opaques. Malgré une croissance économique impressionnante depuis 2011 (en moyenne 8,2 % par an entre 2012 et 2019), cette prospérité n’a pas profité à tous. Selon France 24, « la très forte croissance économique de ces dernières années ne s’est pas traduite par une diminution spectaculaire de la pauvreté ». En 2021, le taux de pauvreté restait élevé (37,5 %), et les inégalités sociales et régionales se sont accentuées, notamment entre Abidjan et le reste du pays.
Ouattara a systématiquement contourné les limites constitutionnelles pour se maintenir au pouvoir. En 2020, il a brigué un troisième mandat après une révision constitutionnelle controversée, déclenchant des violences et une crise politique. En 2025, il se présente pour un quatrième mandat, dans un contexte d’exclusion des principaux opposants et de restrictions des libertés publiques.
Les élections de 2010 et 2020 ont été entachées de violences, avec près de 3 000 morts en 2010-2011. Les manifestations sont rarement autorisées, et les figures de l’opposition (comme Laurent Gbagbo ou Guillaume Soro) sont soit exilées, soit condamnées.
Son accession au pouvoir en 2011, soutenue par la communauté internationale, a été suivie d’une crise post-électorale sanglante, révélant un leadership plus préoccupé par la stabilité économique que par la réconciliation nationale.
La trajectoire de Ouattara rappelle celle d’autres dirigeants africains, comme Paul Biya au Cameroun ou Yoweri Museveni en Ouganda, qui ont utilisé leur expertise économique pour justifier des mandats prolongés, au mépris des principes démocratiques. Comme eux, Ouattara a su instrumentaliser les institutions internationales (FMI, France) pour légitimer ses choix, tout en marginalisant les voix dissidentes.
Alassane Ouattara a transformé la Côte d’Ivoire en un modèle de croissance économique, mais à quel prix ? Son bilan révèle une démocratie affaiblie, des inégalités persistantes et une jeunesse désenchantée. Si les indicateurs macroéconomiques brillent, la réalité sociale est bien plus sombre. Comme le résume un analyste, « la croissance est une réalité, mais il existe toujours en Côte d’Ivoire de fortes disparités aussi bien géographiques que sociales ». À l’aube d’un quatrième mandat, la question reste entière : une gouvernance technocratique peut-elle vraiment servir l’intérêt général quand elle sacrifie la démocratie sur l’autel de la stabilité ?
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Aboubacar Keita.
Mis en ligne : 07/10/2025
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