« Manipulée, elle volait et fuguait » : Quand la mère accuse la fille - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Fait divers | Par Eva | Publié le 08/10/2025 02:10:15

« Manipulée, elle volait et fuguait » : Quand la mère accuse la fille

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L’affaire de Guédiawaye, où une jeune fille de 18 ans, mineure au moment des faits, a été manipulée, volée, et menacée de diffusion de sextapes par son ex-petit ami, est un miroir tendu à la société sénégalaise. Le tribunal a condamné l’accusé à six mois de prison pour détournement de mineure, mais a ignoré la sextorsion et le chantage affectif. Pourtant, ce qui choque le plus, c’est l’attitude de la mère de la victime, qui a préféré accuser sa fille d’avoir été « manipulée » plutôt que de dénoncer l’exploiteur.

Cette affaire révèle un échec collectif : celui de l’éducation sexuelle et affective des jeunes, et celui des familles qui, par négligence ou par peur des tabous, laissent leurs filles sans défense face aux prédateurs.

Au Sénégal, près de trois femmes sur dix ont subi des violences au cours de l’année écoulée, et les jeunes filles sont particulièrement vulnérables. Pourtant, l’éducation sexuelle à l’école reste timide, voire inexistante. Les programmes annoncés pour 2025 peinent à se concrétiser, et les familles, souvent en première ligne, évitent le dialogue sur la sexualité, l’argent, et les risques des relations précoces. Dans un pays où 97,9 % des enfants souffrent d’au moins une privation (santé, éducation, protection), les jeunes filles paient le prix fort. Les parents, censés être les premiers remparts, se transforment parfois en juges ou en complices silencieux, comme dans cette affaire où la mère a préféré blâmer sa fille plutôt que de la protéger.

La version des faits est édifiante : la jeune fille, sous pression, vole son père pour financer une dot et satisfaire les exigences de son petit ami. À la rupture, ce dernier refuse de rendre l’argent et menace de diffuser des vidéos intimes. Pourtant, devant le tribunal, la mère déclare : « Manipulée, ma fille volait et fuguait pour satisfaire ce garçon. » Où est la protection ? Où est l’accompagnement ? Au lieu de pointer du doigt le prédateur, elle accuse sa fille, reproduisant un schéma classique de victim-blaming. Ce comportement n’est pas isolé : dans de nombreuses affaires similaires en Afrique de l’Ouest, les familles minimisent les abus ou rejettent la faute sur les victimes, par honte ou par méconnaissance.

Les jeunes Sénégalais sont livrés à eux-mêmes face aux défis des relations amoureuses, de la pression financière, et des réseaux sociaux. Les programmes scolaires d’éducation à la sexualité, bien que prévus, sont rarement appliqués. Résultat : les jeunes filles ignorent leurs droits, les risques du chantage affectif, et les recours possibles en cas d’abus.

Le tabou autour de la sexualité et de l’argent empêche tout dialogue. Les parents préfèrent fermer les yeux, pensant protéger leurs enfants, alors qu’ils les exposent à des dangers bien réels.

La sextorsion est en hausse en Afrique, avec des réseaux criminels qui ciblent les jeunes filles vulnérables. Pourtant, les condamnations restent rares, et les victimes, souvent culpabilisées, n’osent pas porter plainte.

En Côte d’Ivoire, au Ghana, ou au Nigeria, les affaires de sextorsion et de chantage affectif se multiplient. En 2025, Interpol a démantelé 81 réseaux cybercriminels en Afrique, dont plusieurs spécialisés dans l’extorsion de jeunes filles. Partout, le même constat : les familles et les institutions échouent à protéger les mineures, et les lois peinent à suivre l’évolution des pratiques criminelles.

Intégrer des modules d’éducation sexuelle et affective dans les programmes scolaires, avec des intervenants formés et des supports adaptés. Impliquer les leaders communautaires, les médias, et les associations pour briser les tabous et informer les jeunes et leurs parents. Sanctionner sévèrement la sextorsion et le chantage, et protéger les victimes de la diffamation et de la culpabilisation.

L’affaire de Guédiawaye n’est pas une exception, mais le symptôme d’un système défaillant. Tant que les familles et l’État continueront à fermer les yeux, les jeunes filles resteront des proies faciles. Il faut passer des discours aux actes : éduquer, protéger, et punir les coupables. Sinon, d’autres A. C. Tall paieront le prix de notre indifférence.

Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Eve Sagna.
Mis en ligne : 08/10/2025

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