Pouvoir sans limite pour Mahamat Idriss : Le Tchad bascule dans l’autoritarisme - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Afrique | Par Eva | Publié le 08/10/2025 01:10:00

Pouvoir sans limite pour Mahamat Idriss : Le Tchad bascule dans l’autoritarisme

Les opinions exprimées dans cet article sont celles d’un contributeur externe. NotreContinent.com est une plateforme qui encourage la libre expression, la diversité des opinions et les débats respectueux, conformément à notre charte éditoriale « Sur NotreContinent.com chacun est invité à publier ses idées »

Le Tchad vient d’adopter une réforme constitutionnelle qui supprime la limite du nombre de mandats présidentiels et permet au chef de l’État de diriger un parti politique. Ce texte, voté à l’unanimité par une majorité parlementaire acquise au pouvoir, marque un tournant autoritaire et consacre la transformation du pays en un régime à parti unique, où l’alternance démocratique n’est plus qu’une illusion.

En avril 2021, Mahamat Idriss Déby Itno accède à la présidence après la mort de son père, Idriss Déby Itno, qui dirigeait le Tchad d’une main de fer depuis 30 ans. Élu en 2024 lors d’un scrutin contesté et boycotté par une grande partie de l’opposition, il consolide aujourd’hui son pouvoir en faisant adopter une Constitution taillée sur mesure.

Le mandat présidentiel passe de cinq à sept ans, renouvelable sans limite, et le président peut désormais cumuler sa fonction avec la direction de son parti, le Mouvement patriotique du salut (MPS). L’opposition, réduite au silence ou en prison, n’a pu que quitter l’hémicycle en signe de protestation, qualifiant cette réforme d’« inconstitutionnelle et autoritaire ».

Cette réforme n’est pas un cas isolé en Afrique. Depuis 2015, au moins treize dirigeants africains ont contourné ou supprimé les limites de mandat pour se maintenir au pouvoir. Au Rwanda, Paul Kagame a fait réinitialiser son décompte de mandats en 2015, lui permettant de rester président jusqu’en 2034. En Guinée, Alpha Condé a modifié la Constitution en 2020 pour briguer un troisième mandat, déclenchant une crise politique et une répression sanglante. En Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara a obtenu un troisième mandat en 2020 grâce à une réforme constitutionnelle controversée. Partout, le scénario est le même : un Parlement dominé par le parti présidentiel, des institutions judiciaires instrumentalisées, et une opposition muselée ou emprisonnée.

Au Tchad, la concentration des pouvoirs entre les mains d’un seul homme et d’un seul parti est désormais totale. Le président peut gouverner sans contre-pouvoirs, nommer et protéger ses ministres (l’immunité a été rétablie), et même reporter les élections en invoquant un « cas de force majeure ». L’opposition, déjà affaiblie par la condamnation à vingt ans de prison de son leader Succès Masra, n’a plus aucun moyen de peser sur les décisions.

La fin de l’alternance : En supprimant la limite des mandats, le Tchad s’engage dans une logique de pouvoir à vie, comme au Cameroun (Paul Biya, 40 ans au pouvoir) ou en Ouganda (Yoweri Museveni, 38 ans). Ces régimes montrent que l’absence de limite de mandat mène inévitablement à l’autoritarisme et à la corruption.

Une dynastie politique : La transition entre Idriss Déby Itno et son fils Mahamat rappelle les pratiques monarchiques, où le pouvoir se transmet de père en fils. Cette dynamique est dangereuse pour la stabilité du pays et pour la crédibilité des institutions.

L’instrumentalisation des institutions : Le vote unanime (236 pour, 0 contre) illustre l’absence d’indépendance du Parlement, tout comme la justice, utilisée pour écarter les opposants. Les élections, quand elles ont lieu, sont entachées de fraudes et de boycotts.

Un modèle qui se répète : En Afrique, les réformes constitutionnelles visant à prolonger les mandats sont souvent suivies de répressions et de crises. Au Burundi, la suppression des limites de mandat en 2018 a plongé le pays dans une violente répression. Au Togo, la dynastie des Gnassingbé règne sans partage depuis plus de 50 ans.

Le Tchad s’enfonce dans l’autoritarisme, au mépris des principes démocratiques et des aspirations de sa jeunesse. Cette réforme n’est pas une exception, mais la confirmation d’une tendance lourde en Afrique : celle du « tripatouillage constitutionnel » pour perpétuer des régimes personnels. Sans réaction forte de la communauté internationale et des citoyens, le pays risque de devenir un nouvel exemple de démocratie de façade, où les élections ne servent qu’à légitimer un pouvoir sans partage.

La question n’est plus de savoir si le Tchad basculera dans l’autoritarisme, mais quand et à quel prix pour sa population. Il faut que les partenaires du Tchad, notamment la France et l’Union africaine, condamnent fermement cette dérive et soutiennent les forces démocratiques du pays. Sinon, le Tchad rejoindra la longue liste des États africains où la démocratie n’est plus qu’un mot vide de sens.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Samba Diouf.
Mis en ligne : 08/10/2025

La plateforme NOTRECONTINENT.COM permet à tous de diffuser gratuitement et librement les informations et opinions provenant des citoyens. Les particuliers, associations, ONG ou professionnels peuvent créer un compte et publier leurs articles Cliquez-ici.


Réagir à cet article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 commentaires

Réagir à cet article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 commentaires

Copyright © 2023 www.notrecontinent.com

To Top