Décisions contestées, crédibilité perdue : Le sport sénégalais en crise - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Sport | Par Eva | Publié le 09/10/2025 02:10:15

Décisions contestées, crédibilité perdue : Le sport sénégalais en crise

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L’actualité sportive sénégalaise, telle que rapportée récemment par iGFM TV, est un miroir des dysfonctionnements profonds qui minent la gestion du sport dans notre pays. Entre la transformation controversée du Comité national de gestion de la lutte en fédération et la polémique autour de la hausse des prix des billets pour le match Sénégal-Mauritanie, deux symboles forts d’un même mal : un système sportif en proie à l’improvisation, à l’opacité et à l’absence de vision à long terme.

Si les affiches de lutte promettent des combats épiques et si les Lions de la Teranga restent une fierté nationale, ces éléments ne doivent pas masquer l’urgence d’une refonte globale. Car derrière les paillettes et les promesses, c’est toute la crédibilité du sport sénégalais qui est en jeu.

Le sport sénégalais, en particulier la lutte et le football, a toujours été un ciment social, une source de fierté et un vecteur d’unité. Pourtant, depuis plusieurs années, les scandales s’accumulent : gestion opaque des fédérations, décisions unilatérales, clientélisme et absence de consultation des acteurs clés. La transformation du Comité national de gestion de la lutte en fédération, par exemple, a été imposée sans véritable concertation avec les lutteurs, les entraîneurs ou les supporters, suscitant méfiance et contestations.

De même, la hausse des prix des billets pour les matchs des Lions, alors que la Fédération sénégalaise de football affiche un déficit abyssal de 2,4 milliards de francs CFA en 2024, interroge : qui paiera le prix de ces erreurs de gestion ? Les supporters, une fois de plus, semblent être les variables d’ajustement d’un système défaillant.

Les exemples ne manquent pas : des honoraires d’arbitres en hausse de 52 % sans justification, des « services extérieurs » peu détaillés engloutissant 3,3 milliards de francs CFA, ou encore des reports successifs de la mise en place de la Fédération sénégalaise de lutte en raison de recours et de suspicions de manque de transparence. Ces crises ne sont pas isolées ; elles révèlent une gouvernance sportive à bout de souffle, où l’urgence prime sur la stratégie et où les intérêts particuliers l’emportent souvent sur l’intérêt général.

Le sport sénégalais est aujourd’hui confronté à une double crise : une crise de gouvernance et une crise de confiance. D’un côté, les instances dirigeantes peinent à inspirer la confiance, tant leurs décisions sont perçues comme opaques ou motivées par des logiques autres que sportives. De l’autre, les athlètes et les supporters, premiers concernés, sont trop souvent exclus des processus décisionnels. Pourtant, une gestion sportive réussie repose sur la transparence, la participation de tous les acteurs et une vision claire à moyen et long terme.

En Afrique, certains pays ont su tirer les leçons de leurs erreurs passées. Le Maroc, par exemple, consacre une part importante de son budget national au sport et a mis en place des structures de gouvernance inclusives, associant État, fédérations, athlètes et société civile. Résultat : une meilleure performance sportive, mais aussi une appropriation citoyenne des enjeux sportifs. À l’inverse, au Sénégal, les réformes sont souvent imposées d’en haut, sans véritable débat public ni évaluation rigoureuse de leurs impacts.

L’absence de participation citoyenne est particulièrement préoccupante. Dans de nombreux pays, les fédérations sportives intègrent désormais des mécanismes de consultation des supporters, des athlètes et des experts indépendants. Ces pratiques, qui renforcent la légitimité des décisions et limitent les risques de corruption ou de clientélisme, sont encore balbutiantes au Sénégal. Pourtant, elles sont essentielles pour redonner confiance et crédibilité à un système sportif aujourd’hui discrédité.

Comment espérer des résultats sportifs à la hauteur des attentes si les fédérations peinent à gérer leurs budgets, à planifier leurs saisons, ou à consulter leurs athlètes ? L’échec des Lions à la CAN 2024, éliminés en huitième de finale, en est une illustration cruelle. Les manquements à gagner et les dépenses mal maîtrisées ont plongé la fédération dans le rouge, mettant en péril l’avenir du football sénégalais.

Les recours déposés contre la mise en place de la Fédération sénégalaise de lutte, les suspicions de favoritisme dans l’attribution des droits de vote, ou encore les affaires de détournements dans d’autres secteurs publics créent un climat de défiance généralisée. Le renforcement des mécanismes de transparence et de redevabilité est indispensable pour assainir la gestion publique, y compris dans le sport.

Il ne s’agit pas seulement de changer les têtes ou de colmater les brèches, mais de repenser en profondeur la gouvernance sportive. Cela passe par l’intégration systématique des athlètes, des entraîneurs et des supporters dans les processus décisionnels, la publication régulière et détaillée des comptes des fédérations, la création d’un organe indépendant de contrôle et d’évaluation des politiques sportives, et l’adoption d’un plan stratégique à dix ans incluant des objectifs clairs en matière de performance, d’inclusion et de développement des infrastructures.

Le sport sénégalais est à un tournant. Les crises actuelles en lutte et en football ne sont pas des accidents de parcours, mais les symptômes d’un système défaillant, miné par l’improvisation, l’opacité et le manque de vision. Il faut rompre avec ces pratiques et engager une refonte ambitieuse, inclusive et transparente. Les exemples africains et internationaux montrent que c’est possible, à condition d’associer tous les acteurs et de placer l’intérêt général au-dessus des intérêts particuliers.

Le Sénégal a le potentiel, les talents et la passion pour faire de son sport un modèle de réussite. Mais pour cela, il faut oser le changement. Les autorités sportives, l’État et la société civile doivent s’unir pour construire un sport sénégalais moderne, performant et exemplaire. Le temps des promesses creuses et des réformes cosmétiques est révolu. L’heure est à l’action, à la transparence et à la responsabilité. Le sport sénégalais, et ceux qui l’aiment, ne méritent pas moins.

Il faut que les pouvoirs publics, les fédérations et les acteurs de la société civile s’engagent sans délai dans un processus de réforme profond, incluant un audit indépendant des fédérations de lutte et de football, la mise en place de mécanismes de participation citoyenne dans la gestion du sport, et l’adoption d’un cadre légal renforçant la transparence et la redevabilité. Le sport est un bien commun. On doit le traiter comme tel.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Papis M.
Mis en ligne : 09/10/2025

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