Le mbalax évolue sans lui : Pape Diouf, une légende dépassée par son temps - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - People | Par Eva | Publié le 11/10/2025 02:10:15

Le mbalax évolue sans lui : Pape Diouf, une légende dépassée par son temps

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Le 8 octobre 2025, Pape Diouf a lancé son nouveau clip Bellissimo sur YouTube, une adaptation du titre Me Hace Daño Verte de Fresto. Présenté comme un « retour musical attendu », ce projet s’inscrit dans la continuité d’un répertoire centré sur l’amour et la passion, avec une volonté affichée de promouvoir le mbalax, genre emblématique du Sénégal.

Pourtant, à l’ère où des artistes comme Amadeus ou Waly Seck redéfinissent les frontières de la musique sénégalaise, Pape Diouf donne l’impression de tourner en rond, prisonnier d’une formule qui a fait son temps. Son dernier clip, loin d’incarner l’audace et l’innovation, révèle un décalage entre une légende du mbalax et une nouvelle génération qui ose, fusionne et conquiert de nouveaux publics.

Le mbalax, né dans les années 1970-1980, a toujours su se réinventer. Des pionniers comme Youssou N’Dour ou Thione Seck ont ouvert la voie à des expérimentations audacieuses, mêlant sabar, jazz, afrobeat, et même électro. Aujourd’hui, des figures comme Waly Seck ou Amadeus ou Mia Guissé poussent plus loin les limites du genre. Waly Seck, par exemple, a su allier héritage familial et modernité, en intégrant des sonorités afro-pop, du hip-hop, et en collaborant avec des artistes internationaux. Son album Entre Nous et son titre Je t’aime illustrent cette capacité à faire dialoguer tradition et contemporanéité, tout en séduisant un public bien au-delà du Sénégal.

De son côté, Amadeus mélange mbalax, afro-trap et influences mandingues, avec des clips visuellement aboutis et des textes qui parlent à la jeunesse. Ces artistes ne se contentent pas de perpétuer un style : ils le transforment, le rendent universel. À l’inverse, Pape Diouf semble rester ancré dans un mbalax classique, sans prise de risque. Alors que la scène musicale sénégalaise est en pleine effervescence, avec des projets hybrides et des collaborations inédites, Bellissimo apparaît comme un retour en arrière.

Le choix d’adapter Me Hace Daño Verte de Fresto, au lieu de proposer une œuvre originale, interroge. Pourquoi un artiste de la trempe de Pape Diouf ne mise-t-il pas sur l’innovation, alors que ses pairs explorent de nouvelles sonorités ? Le clip, réalisé par Pac Deejay, manque par ailleurs d’ambition visuelle et narrative. Là où des artistes investissent dans des univers esthétiques forts, Bellissimo se contente d’illustrer des thèmes romantiques déjà mille fois abordés.

Plus préoccupant encore, les réactions du public sont tièdes. Contrairement aux sorties d’Amadeus ou de Waly Seck, qui génèrent des millions de vues et des débats passionnés, Bellissimo peine à susciter l’enthousiasme. Les réseaux sociaux, habituellement prompts à relayer les succès, restent silencieux sur les chiffres de vues et de likes. À l’heure où les jeunes Sénégalais plébiscitent des artistes qui osent des fusions, Pape Diouf semble parler à une génération passée, incapable de capter l’attention d’un public en quête de nouveauté.

Alors que le mbalax moderne s’enrichit d’influences variées, Pape Diouf persiste dans une formule épurée, sans surprise. Des titres comme Choix de Mia Guissé ou Confuse (collaboration entre Waly Seck, Mia Guissé et Amadeus) montrent comment le genre peut évoluer tout en restant fidèle à ses racines. Bellissimo, lui, ne propose rien de neuf : ni dans la mélodie, ni dans l’arrangement, ni dans le message. Les artistes émergents collaborent avec des producteurs internationaux, expérimentent des beats inédits, et abordent des thèmes sociaux ou politiques.

Pape Diouf, lui, reste dans une zone de confort, comme s’il ignorait que la musique sénégalaise a tourné la page. Même des légendes comme Youssou N’Dour ou Baaba Maal savent évoluer, pourquoi pas lui ? Les jeunes écoutent aujourd’hui des artistes qui reflètent leurs réalités : engagement, métissage culturel, audace. En misant sur une reprise et des thèmes consensuels, Pape Diouf rate l’occasion de se reconnecter avec une jeunesse avide de modernité. Le mbalax n’est plus un genre figé : il est vivant, mouvant, et ceux qui refusent de l’accompagner dans son évolution risquent de devenir des reliques.

Waly Seck a su moderniser le mbalax en y intégrant des éléments de pop et de RnB, et en conquérant des salles internationales. Son succès prouve qu’il est possible d’honorer l’héritage tout en innovant. Amadeus, avec son album Taaru Sénégal, a montré comment le mbalax peut être à la fois traditionnel et résolument contemporain, avec des clips à l’esthétique cinématographique et des textes engagés. Viviane Chidid allie mbalax et pop, avec des performances scéniques dynamiques qui captivent un public diversifié. Ces exemples démontrent qu’il est possible de rester fidèle à ses racines tout en séduisant les nouvelles générations. Pape Diouf, lui, semble prisonnier d’une image d’Épinal, incapable de se renouveler.

Pape Diouf a marqué l’histoire du mbalax, et son héritage est indéniable. Mais Bellissimo révèle un artiste en décalage avec son époque, incapable de suivre le rythme d’une scène musicale en pleine mutation. Alors que des talents comme Waly Seck ou Amadeus écrivent l’avenir de la musique sénégalaise, Pape Diouf donne l’impression de vouloir prolonger un passé révolu.

La question n’est pas de nier son talent, mais de se demander s’il ne serait pas plus inspirant de voir une légende comme lui soutenir la relève, plutôt que de tenter de rester au premier plan sans rien apporter de nouveau. Le mbalax a besoin de se réinventer pour survivre et ses gardiens les plus illustres devraient en être les premiers ambassadeurs. En 2025, la musique sénégalaise regarde vers l’avant. Pape Diouf, lui, semble encore tourné vers hier. Dommage.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Khalil M.
Mis en ligne : 11/10/2025

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